Un événement historique pour l’ESS Chronique de Timothée Duverger (28/06/2022)

Chronique de Timothée Duverger (28/06/2022)

Maître de conférences associé à Sciences Po Bordeaux, président de l’association des lecteurs d’Alternatives Economiques

 

Un événement historique pour l’ESS

La 110e session de la Conférence internationale du travail (CIT) s’est achevée le 11 juin 2022 en adoptant pour la première fois, dans ses conclusions, une définition universelle de l’économie sociale et solidaire (ESS). C’est un événement historique, qui pose un jalon essentiel pour aller vers une révolution au sein des Nations unies.

Créée en 1919, l’Organisation internationale du Travail (OIT) a proclamé quatre-vingts ans plus tard que son « but fondamental (…) est que chaque femme et chaque homme puissent accéder à un travail décent et productif dans des conditions de liberté, d’équité, de sécurité et de dignité ». Le travail décent a intégré l’Objectif 8 du programme de développement durable pour 2030 des Nations unies. Il repose sur quatre piliers : la création d’emploi, la protection sociale, le dialogue social, et les droits au travail – dans lesquels il était prévu d’intégrer les enjeux de sécurité et de santé lors de cette CIT.

Un intérêt croissant

L’intérêt de l’OIT pour l’ESS est ancien, si l’on considère la création dès 1920 d’une unité des coopératives. Il a toutefois fallu attendre 2002 pour que les coopératives fassent l’objet d’une recommandation. Plus récemment, des recommandations de l’OIT ont élargi son intérêt à l’ESS et renforcé son rôle en faveur de la transition de l’économie informelle à l’économie formelle en 2015 ou de la résilience après une guerre, une guerre civile ou des catastrophes en 2017.

La pandémie est venue accélérer la reconnaissance de l’ESS

Cette place de l’ESS s’est confirmée en 2019 lors de la déclaration du centenaire de l’OIT qui y voyait des « entreprises durables », capables « de générer du travail décent, de parvenir au plein-emploi productif et d’améliorer les niveaux de vie pour tous ». La pandémie est venue accélérer la reconnaissance de l’ESS. En 2021, l’Appel mondial en vue d’une reprise centrée sur l’humain pour sortir de la crise du Covid-19 a relevé la contribution de l’ESS au travail décent et appelé les gouvernements à la soutenir, particulièrement dans les secteurs d’activité les plus touchés.

Les vertus de l’ESS

Dans son rapport préparatoire, l’OIT a reconnu la contribution de l’ESS au travail décent et au développement durable. Le rapport insiste sur sa capacité à créer des emplois dans de nombreux secteurs d’activité, comme l’alimentation, le logement, les soins aux enfants ou aux personnes âgées ou encore les services financiers. Les initiatives de l’ESS participent à la réduction des inégalités dans les zones rurales et particulièrement des inégalités femmes-hommes. L’ESS apparaît aussi comme un acteur clé des systèmes de protection sociale. Elle peut faciliter l’accès à des assurances collectives ou fournir des services sociaux, de santé ou de logement.

Plus résiliente que l’économie classique face au ralentissement de l’activité économique comme lors de la crise financière de 2008, l’ESS a par ailleurs non seulement mieux résisté à la pandémie, mais aussi répondu aux besoins sociaux urgents et développé des dispositifs de solidarité au cours de celle-ci. Les personnes les plus vulnérables, dont les réfugiés, y trouvent des opportunités d’inclusion sociale, ce qui participe à la réduction de la pauvreté et des inégalités. L’ESS est aussi en première ligne des efforts de reconstruction, de redressement économique comme de cohésion sociale, après des catastrophes naturelles ou des guerres.

L’ESS accompagne également les transitions, poursuit le rapport, que celles-ci concernent la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle, la transition numérique (plate-forme coopérative, services) ou la transition écologique (énergies renouvelables, économie circulaire, alimentation durable).

Ces vertus prêtées à l’ESS n’excluent pas quelques points de vigilance, concernant en particulier les droits au travail. Si l’ESS peut être amenée à promouvoir les normes internationales du travail, le rapport alerte sur les risques liés aux « pseudo-coopératives » créées pour contourner les législations du travail.

Une reconnaissance internationale

L’engouement pour l’ESS a conduit la Conférence internationale du travail à adopter une résolution et des conclusions. Après la pandémie, les organisations internationales font de l’ESS une priorité pour construire une économie plus résiliente, capable de résister aux crises et d’apporter des solutions aux problèmes sociaux et environnementaux.

C’est historique, pour la première fois l’ESS bénéficie d’une définition universelle. Elle se caractérise, d’abord, selon une approche normative, par ses principes : intérêt collectif et/ou général, coopération volontaire et entraide, gouvernance démocratique et/ou participative, autonomie, indépendance, primauté de l’humain et de la finalité sociale sur le capital. Cette définition est complétée d’une approche juridico-institutionnelle intégrant dans son périmètre les coopératives, les mutuelles, les associations, les fondations, les entreprises sociales, les groupes d’entraide et toute entité fonctionnant selon ses principes.

Tout l’enjeu est de diffuser l’ESS à travers le monde par la création d’un environnement juridique favorable

L’OIT reconnaît pleinement la « contribution de l’économie sociale et solidaire au travail décent, à des économies inclusives et durables, à la justice sociale, au développement durable et à l’amélioration des niveaux de vie pour tous ». Elle prévoit la création d’un observatoire international chargé de développer la connaissance statistique de l’ESS, préalable à la mise en œuvre de politiques nationales dédiées, pour lesquelles elle interpelle les gouvernements. Tout l’enjeu est en effet de diffuser l’ESS à travers le monde par la création d’un environnement juridique favorable, son intégration aux stratégies de relance et d’emploi et son accès aux financements, aux marchés, aux technologies, aux infrastructures ou aux marchés publics.

Plus qu’un effet de mode, nous assistons bien à un mouvement d’ampleur, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ayant adopté le même jour une recommandation sur l’ESS et l’innovation sociale, qui vise également le développement de politiques d’ESS par ses Etats membres. Le développement de l’ESS devient ainsi un enjeu mondial à l’ère post-Covid, cette reconnaissance nouvelle venant crédibiliser le projet d’en faire la norme souhaitable de l’économie de demain.

Bulletin participation Assemblée Générale Ordinaire Mercredi 15 Juin 2022 18h

ASSEMBLEE GENERALE  ORDINAIRE

MERCREDI 15 JUIN 2022 18H

Lieu : Salle Roger Cohé 7, rue des Poilus Pessac


BULLETIN DE PARTICIPATION


Bulletin de participation à remplir et à nous retourner par e-mail : contactcafeco@gmail.com
Je,
soussigné(e)
  • assistera à l’AG
  • n’assistera pas à l’AG : merci de donner votre Pouvoir (ci-dessous)
Lieu : Salle Roger Cohé 7, rue des Poilus Pessac  https://www.sortir.eu/salles/salle-roger-cohe

POUVOIR
Je, soussigné(e) :
donne pouvoir à :
afin de voter en lieu et place lors de l’AG du Mercredi 15 juin 2022
Date :                                                                                             Signature :

 CANDIDATURE
Je, soussigné (e)
Adresse :
Téléphone :
E-mail :
présente ma candidature au Conseil d’Administration de l’Association Le Café Economique Pessac
Date :                                                                                            Signature :
Important : Bulletin de candidature à nous retourner par e-mail : contactcafeco@gmail.com
ou à nous remettre le jour de l’AG  
« Un pot de l’amitié sera servi à l’issue de l’Assemblée Générale »

Convocation Assemblée Générale Ordinaire le Mercredi 15 juin 2022 18h

CONVOCATION

ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE

MERCREDI 15 JUIN 2022 18h

Lieu : Salle Roger Cohé 7, rue des Poilus Pessac


 ORDRE DU JOUR
 A partir de 18h :
  • Pointage des présents
  • Vérification adhésions saison 2021/2022
18h30 : ouverture de la séance :
  • Compte rendu moral de la présidente
  • Compte rendu de la trésorière
  • Discussion et mises aux voix
  • Evénements, débats de la saison écoulée 2021/2022
  • Présentation du programme saison 2022/2023
  • Questions diverses
  • Election du conseil d’administration
« Un pot de l’amitié sera servi à l’issue de l’Assemblée Générale »
A très bientôt !
Les membres du bureau

  Important !

Merci de nous confirmer votre présence en répondant au bulletin de participation (à éditer), à remplir et à nous retourner par  e-mail : contactcafeco@gmail.com

Chronique – Une autre économie pour une autre Europe ? de Timothée Duverger

Chronique de Timothée Duverger – 16 Février 2022

« Une autre économie pour une autre Europe ? »

La Commission européenne a présenté son plan d’action pour l’économie sociale le 8 décembre. A la veille de la présidence française de l’Union européenne, sans tambour ni trompette, c’est à une petite révolution qu’elle appelle. On y lit ainsi que « l’économie sociale a le potentiel de remodeler l’économie de l’après-Covid grâce à des modèles économiques inclusifs et durables conduisant à une transformation écologique, économique et sociale plus équitable ».

Ce plan constitue une étape historique pour l’économie sociale, qui n’avait jamais été appréhendée de manière systémique, mais considérée plutôt comme un secteur à développer le plus souvent en lien avec les problèmes d’emploi. Conçu dans le contexte de la crise du Covid-19, il est marqué par les mutations qui lui sont liées. Outre sa contribution à la prospérité économique et sociale, le rôle de l’économie sociale en faveur de la transition écologique et numérique est souligné. La réhabilitation de l’interventionnisme qui accompagne la pandémie va-t-elle changer l’Europe, depuis longtemps soumise au dogme de la concurrence ?

D’autres dossiers semblent l’indiquer, comme les mesures proposées à destination des travailleurs des plates-formes ou les avancées concernant une directive sur le salaire minimum. Si l’économie sociale compte 13,6 millions d’emplois, soit 6,3 % de la population active, des situations très disparates coexistent en Europe. Elle représente entre 9 % et 10 % des emplois en Belgique, en France, au Luxembourg et aux Pays-Bas, mais moins de 2 % chez les nouveaux entrants de l’Union européenne comme Chypre, la Croatie, la Lituanie, Malte, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie. Cette hétérogénéité explique aussi, non seulement la difficulté à définir l’économie sociale, mais également ses différents niveaux d’institutionnalisation selon les pays. Confié au commissaire européen Nicolas Schmitt, auparavant ministre luxembourgeois en charge de l’Economie sociale, le plan d’action fixe une ambition de convergence et de développement de l’économie sociale à horizon 2030. Sans avancer de chiffre précis, il prévoit une augmentation du budget lui étant consacré (2,5 milliards d’euros entre 2014 et 2020).

La Commission se propose d’assister les Etats membres dans la définition de leurs stratégies et mesures en faveur de l’économie sociale. Elle prépare pour cela en collaboration avec l’OCDE des lignes directrices sur les cadres juridiques appropriés. Sur les 27 Etats membres, seuls 8 ont par exemple déjà adopté entre 2008 et 2016 des lois qui lui sont dédiées : Belgique (au niveau régional), Espagne, Portugal, France, Roumanie, Italie, Grèce et Luxembourg. Pour créer un environnement favorable, la Commission cherche également à assouplir le droit de la concurrence en facilitant l’accès aux incitations fiscales, aux aides d’Etat (subventions, aides à l’embauche de travailleurs défavorisés), ainsi qu’aux marchés publics comme privés. Ne pas louper le coche L’économie sociale est également placée au cœur de la feuille de route économique de l’Europe. Elle figure ainsi parmi les quatorze écosystèmes de sa stratégie industrielle, en vue notamment de renforcer les compétences et la reconversion des travailleurs.

Pour son développement, la Commission souhaite mobiliser des financements privés à travers le programme Invest EU (garanties permettant l’accès au crédit, investissements en fonds propres ou quasi-fonds propres, investissements en capital dans des intermédiaires financiers), des mécanismes de co-investissement avec des fondations ou l’intégration d’objectifs sociaux à la taxonomie européenne pour la finance durable. La Commission veut enfin lier plus étroitement l’économie sociale à la transition écologique (notamment l’économie circulaire) et numérique, favoriser le déploiement des innovations sociales et encourager le développement de l’économie sociale sur les territoires (zones rurales, clusters industriels). Ces intentions pourront compter sur le soutien traditionnel du Parlement européen et du Comité économique et social européen. Mais pour se concrétiser, elles devront être portées par les Etats eux-mêmes. Une recommandation du Conseil est espérée en 2023, pendant la présidence espagnole de l’Union européenne. Mais une étape importante aura lieu ce jeudi lors du Conseil des ministres de l’UE en charge de l’économie sociale.

Le changement de configuration politique en Allemagne est porteur. La nomination de Sven Giegold comme secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie et de la Protection du climat en Allemagne, après avoir coprésidé l’intergroupe économie sociale du Parlement européen, en atteste. Les alliances historiques entre les pays latins – en particulièrement la France, l’Espagne, le Portugal la Belgique ou encore l’Italie – sont toujours actives. Tout l’enjeu du Conseil des ministres de jeudi sera ainsi de soutenir le plan d’action et de proposer, dans ses conclusions, une définition de l’économie sociale, préalable à sa diffusion dans toute l’Europe. Si la France a été à l’origine de la prise en compte de l’économie sociale par l’Europe dès 1989 pendant la Commission Delors, il lui faut aujourd’hui redevenir cette force motrice. Elle doit pour cela parvenir à un consensus autour d’une définition de l’économie sociale comprenant les acteurs sans capital social (associations, fondations, mutuelles) ainsi que les entreprises coopératives ou sociales qui bénéficient déjà d’une reconnaissance de l’Union européenne (article 58 du Traité de Rome pour les premières et règlement sur le changement social et l’innovation sociale pour les secondes).

Plus généralement, les Etats seront appelés à afficher leur soutien au plan d’action pour que sa mise en œuvre soit à la hauteur des attentes qu’il suscite. La France a longtemps défendu l’idée d’une autre Europe, une Europe sociale. Le plan d’action européen sur l’économie sociale lui offre une opportunité qu’elle a rarement eue. Espérons qu’aujourd’hui elle ne la laisse pas passer. 

Timothée Duverger, Maître de conférences associé à Sciences Po Bordeaux – (source Alternatives Economiques)

Article – Le défi de la perte de pouvoir fiscal de Michel Cabannes

LE DÉFI DE LA PERTE DE POUVOIR FISCAL

Alors que la loi « 3DS » pour renforcer la décentralisation de l’action publique a été adoptée, la question de l’autonomie fiscale des collectivités territoriales n’est pas pour autant résolue. L’économiste Michel Cabannes y revient, exposant les nouveaux défis auxquels font face les collectivités territoriales dans ce domaine, pour l’Observatoire de l’expérimentation et de l’innovation locales de la Fondation.

Les collectivités locales ont bénéficié pendant le quart de siècle qui a suivi la décentralisation d’une progression des dépenses supérieure à celle du PIB et même supérieure à ce qui résultait des transferts de compétences.Cela a été permis par le dynamisme des bases foncières et économiques de la fiscalité locale, par les hausses des taux d’imposition et par la progression des dotations de l’État. L’extension des budgets s’accompagnait d’une rigueur dans la gestion, avec un solde financier proche de l’équilibre et un faible endettement. La gestion publique locale était à la fois anti-néolibérale pour les masses budgétaires et orthodoxe pour les soldes budgétaires. Dans ce contexte, l’État a mis en cause le pouvoir fiscal des collectivités locales par des réformes, modifiant puis supprimant des impôts locaux, remplacés par des dotations et par des impôts nationaux partagés.

Cette politique a été vue en termes institutionnels comme la manifestation du centralisme traditionnel de l’État français, ce qui a donné lieu à des discussions autour de la notion équivoque d’autonomie financière. Mais en termes économiques, cette politique relève aussi de la logique néolibérale visant la réduction de la part des budgets publics dans l’économie. Face à cette stratégie de l’État, la reconquête de l’autonomie fiscale pose le problème majeur de ses effets négatifs pour l’équité territoriale. Une autre option serait la détente de la contrainte financière pour l’ensemble des collectivités par la garantie de ressources par l’État et par le renforcement de la solidarité territoriale.

La stratégie de centralisation néolibérale de l’État L’État…   Lire la suite

Article – Michel Cabannes 10/02/2022 – Source Fondation Jean Jaurès

Article – Refondation du système de santé : allons-nous enfin trouver la bonne trajectoire ?

3 novembre 2021 | Article de Solange Ménival et Roland Michel

« Ma Santé 2022 » apporte un cadre à cette refondation, mais il manque encore des éléments essentiels pour enclencher une trajectoire vertueuse.

Les professionnels de santé sortent épuisés et démotivés des vagues successives de la Covid-19 auxquelles ils sont parvenus à faire front. L’épidémie a brutalement mis en lumière l’état de notre organisation sanitaire qui n’a cessé de s’éroder au cours des dernières décennies, au fil de réformes à vocation essentiellement comptables. Pour contenir les dépenses de santé, les gouvernements successifs ont fermé des établissements, réduit le nombre de lits, rationnalisé les organisations et compressé les dépenses, dans des établissements déjà désorganisés par l’instauration des 35 heures. Avec le financement à l’activité, les hôpitaux sont devenus gestionnaires, multipliant des actes parfois inutiles et plaçant les professionnels dans des univers de plus en plus contraints. Sous-payés et en l’absence de conditions de travail satisfaisantes et favorisant leur épanouissement personnel, les soignants quittent le système, obligeant à fermer des lits tout en augmentant la pression sur les personnels restants.

A l’inverse d’autres pays comme l’Espagne ou le Portugal nous ne sommes jamais parvenus, jusqu’à présent, à construire une première ligne de santé primaire robuste, alors que le système était de plus en plus jugé trop hospitalo-centré. Des flux de patients n’ont cessé de se reporter sur les urgences hospitalières, là où la vocation de l’hôpital est d’assurer un rôle de recours pour des actes techniques complexes, dans un exercice programmé et des activités ambulatoires. Le vieillissement de la population, la progression des maladies chroniques, la prise en compte de nouveaux risques sanitaires liés à la dégradation de l’environnement exigent une prise en charge de proximité facilement accessible, une coordination des acteurs, une politique de prévention et une anticipation des besoins à la hauteur des défis auxquels nous sommes confrontés. C’est le cas à nos frontières, comme par exemple en Euskadi, au Pays Basque espagnol, où par exemple un centre de santé, à Hondarribia, assure le suivi d’une population de 20.000 habitants. Un dossier patient unique, documenté systématiquement, une équipe pluri-professionnelle, médecin, infirmière, sage-femme, aide-soignante, en liaison avec une assistante sociale ; une prise de rendez-vous à l’hôpital assuré depuis le centre de santé ; un suivi populationnel prédictif anticipant les besoins et les actions de prévention. Décloisonnement des professions, autonomie de gestion sur la base d’une politique régionale clairement établie, travail en équipe centré sur l’amélioration continue des soins, engagement ferme sur la recherche et l’innovation concourent à l’implication des professionnels. Allongement de la durée de vie, réduction de la mortalité prématurée, succès de la vaccination anti-covid en sont la résultante, avec un coût de dépenses de santé très inférieur à celui de la France.

Si nous avons la preuve qu’on peut faire autrement et mieux et qu’il est plus que temps de refonder un système à bout de souffle, la question est de savoir quelle est la bonne trajectoire pour y parvenir ? Le Ségur de la santé n’a fait que rattraper dix années de gels des salaires, sans changement significatif de classement par rapport à nos voisins européens, ni prospective démographique face à l’allongement de la durée de vie, aux besoins en professionnels, à l’évolution des métiers et à leur transformation par l’appropriation des   nouvelles technologies. Beaucoup reste à faire et cela s’inscrit obligatoirement dans la durée.  Mais ce qu’il faut surtout changer dès à présent, c’est la façon d’aborder le problème.  Ce n’est pas à l’hôpital, mais en amont, au domicile du patient, dans les cabinets médicaux et infirmiers de ville que se joue aujourd’hui la refondation du système de santé autour d’une approche territoriale réaliste des besoins collectif et individuel et d’un parcours du patient totalement repensé, garantissant la qualité et l’efficience des prises en charge et la soutenabilité économique durable de l’ensemble. Enclencher une trajectoire vertueuse de l’organisation des soins est à notre portée en remotivant les acteurs en quête de sens, en leur donnant plus de liberté et de marges de manœuvres, en leur permettant d’engager une réingénierie de leurs professions. Pour cela il est nécessaire d’aller vers une refonte des tâches cliniques et techniques et une revalorisation de toute la chaine de soins, en amont et en collaboration avec l’hôpital.

« Ma Santé 2022 » apporte un cadre à cette refondation, mais il manque encore des éléments essentiels pour enclencher une trajectoire vertueuse. La clé de cette transformation passe par le développement d’un nouveau maillage territorial, où l’implication des collectivités est de nature à répondre davantage aux besoins sociaux et sanitaires du territoire comme observé lors de la vaccination contre la Covid-19. La refonte des tâches, leur partage, et un esprit collaboratif entre tous les acteurs du soin au sens le plus large sont la clé de cette refondation.  Au cœur du dispositif l’objectif de mille CPTS (Communauté Professionnelle Territoriales de Santé) est différemment accueilli par les professionnels. Certaines fonctionnent et montrent que cette transformation peut s’opérer, mais que leur gestation est souvent longue et complexe, malgré les efforts des ARS à insuffler une politique de « l’aller vers » et à encourager, avec l’Assurance Maladie, de nombreuses formes de collaborations, en rémunérant en partie les temps de coordination nécessaires. Il faut donc aller encore beaucoup plus loin, en fonction des besoins spécifiques de chaque territoire, en laissant une grande marge d’initiatives aux acteurs et en créant un environnement favorable à leur développement, notamment en révisant la nomenclature des actes infirmiers, en renforçant l’usage de la télémédecine et en développant l’interopérabilité des outils numériques utilisés par les professionnels. Il faut tenir, car « Ma santé 2022 », complétée par la réponse à la demande d’évolution des métiers, donne le bon cap et une opportunité d’engager concrètement la refondation de notre système de santé.

Solange MENIVAL  Présidente co-fondatrice de Stratégie Innovations Santé, think tank.

Roland MICHEL Délégué Général de Stratégie Innovations Santé

 

Chronique « Territoires et réindustrialisation : enjeux et perspectives de Jean-Luc Gibou

Chronique de Jean-Luc Gibou – Juin 2021
Territoires et réindustrialisation : enjeux et  perspectives

 

Cette crise que nous vivons, n’est pas comme les autres, elle est multi-dimensionnelle à la fois sanitaire, économique, sociale mais aussi  écologique.

Les impacts territoriaux  et sectoriels en sont multiples[1].

Ainsi entre fin décembre 2019 et fin décembre 2020, l’emploi privé a subi une baisse de 310 000 emplois (soit -1,65%).

A l’échelle des 17 régions, dont on dispose des données, seules trois d’entre elles échappent à la baisse (Réunion, Guyane, Corse).

A l’échelle des zones d’emploi, les variations sont plus importantes, puisque la  dynamique est globalement plus négative. Ainsi sur 321 zones d’emploi, 267 connaissent une évolution négative et 54 une évolution positive.

A l’échelle des secteurs d’activité renseignés, seuls 20 d’entre eux ont connu des taux positifs, quatre secteurs concentrent  20% des pertes : la restauration, l’hébergement, l’intérim, et les activités sportives, récréatives et de loisirs.

A l’échelle régionale, comme à celles des zones d’emploi, le choc macro-économique affecte la quasi-totalité des territoires, avec des différences liées à des effets de « spécialisation » ou des effets « locaux ».

Dans la majorité des cas, les effets locaux sont positifs et compensent en partie les effets négatifs de la dynamique macro-économique.

Globalement on peut retenir que cette crise a des impacts différenciés selon les secteurs,  les régions et les zones d’emploi et donc peu de ressemblance avec le choc subi en 2008-2009.

Les enjeux de la période pour les territoires   portent  sur  trois domaines :

– la transition écologique à amorcer ou approfondir , notamment sur les mobilités et les transports, le logement, l’énergie, et  aussi l’environnement industriel.

– la solidarité sociale pour faire face et endiguer le chômage, la précarité et la pauvreté, notamment pour les jeunes et développer l’emploi, la formation, et des mesures de protection sociale (minimaux sociaux, RSA jeunes).

– les services publics, dont le maillage constitue la clé de la cohésion territoriale,

Il  faut en rajouter un  quatrième celui  de la réindustrialisation avec pour objectif de remettre sur pied la « base productive » des territoires et redonner toute place à  l’industrie , comme « élément de structuration de l’économie «[2].

Face à la désindustrialisation, quelle réindustrialisation ?

L’industrie : de quoi parle-t-on aujourd’hui ? Pierre Veltz en donne un regard actualisé[3] quand il nous dit « qu’une nouvelle constellation d’enjeux et d’acteurs est en train d’émerger, que nos découpages traditionnels (industrie vs services ; traditionnel vs numérique) empêchent de voir clairement. Cette constellation est tout sauf post-industrielle. Et elle ne se réduira pas non plus au « tout numérique ». Je l’appelle « hyper-industrie », pour marquer à la fois sa nouveauté et la continuité avec l’histoire longue de l’industrialisation, qui ne commence pas et ne s’arrête avec l’industrie massifiée du XXème siècle ».

La France a massivement désindustrialisé son produit intérieur brut (PIB) et sa population active à partir des années 80, le PIB est passé de 20 à 12%, tandis que l’emploi industriel chutait de 5,3 à 3,2 millions de salariés.

Cette érosion du tissu industriel français  s’est manifestée par des crises sectorielles (charbon, acier, textile, automobile, nucléaire…), des fermetures d’usines et le démantèlement de grands groupes.

Si cette désindustrialisation n’apparaît pas homogène, tant du point de vue sectoriel ou géographique, elle n’est pas sans incidence pour les territoires.

Après le premier confinement, l’industrie s’est remise en marche. Après plus d’un an de crise sanitaire, on constate un net recul de son activité et elle a encore largement  recours au chômage partiel.

La crise sanitaire a mis en lumière les limites des capacités industrielles et de recherche de notre pays et notre dépendance quant à certaines productions (masques, vaccins …) devenues essentielles.

Elle résulte de la logique de délocalisation, déjà ancienne et quasi-systématique, vers les pays à bas salaires, qui s’inscrit dans les chaines de valeur mondiales.

Les relocalisations, c’est-à-dire le retour à l’identique d’unités de production ou plus généralement d’activités de production de l’étranger, ne constituent qu’un des moyens parmi d’autres pour (re)développer des activités productives sur le territoire national ; elles n’ont pas contribué de manière significative à la (re)création d’emplois industriels[4].

La nécessité de «renverser la vapeur » apparaît plus que jamais d’actualité.

S’en tenir à une approche en termes de relocalisation n’est pas suffisant. C’est pourquoi il faut retenir une approche en termes de réindustrialisation qui s’appuie prioritairement sur le maintien et l’adaptation des activités industrielles existantes et secondairement sur la création ou la réimplantation de nouvelles activités.

Les mutations numériques et/ou écologiques appellent à une montée en gamme en termes de produits-services, en termes de processus de production et de distribution.

Dans un contexte de concurrence technologique internationale, on peut s’appuyer sur le « triangle industriel » Etat-Recherche-Industrie pour améliorer le positionnement international de l’industrie française qui reste écartelée entre quelques segments de très haute technologie, aujourd’hui fragilisés, et des activités de faible technologie fortement concurrencée par les pays à bas salaires.[5]

Le financement des entreprises revêt une importance fondamentale.

Les grands groupes poursuivent leurs stratégies au service des actionnaires  en poursuivant les délocalisations, le CAC 40 se porte bien avec plus de 51 milliards d’€ distribués aux actionnaires, dont une partie importante résulte des aides publiques massives déjà perçues au titre du plan de relance français et  dans l’attente des fonds du plan de relance européen.

Les ETI, les PME et les startups ne trouvent pas toujours les capitaux nécessaires à leur développement, voire à leur maintien, et sont à la merci d’un rachat par des firmes étrangères.

L’emploi, la formation, les ressources humaines ne sont pas en reste avec les métiers en tension, transitions collectives …

Trois objectifs pourraient répondre à ce changement d’échelle qualitatif et quantitatif  dans les politiques engagées [6] : mieux anticiper les enjeux d’une transition professionnelle, accompagner TPE-PME dans l’expression de leurs besoins, mettre en place un plan massif d’investissements, dans les compétences, coordonné entre l’Etat et les Régions.

L’articulation entre réindustrialisation et transition écologique est vitale pour mener à bien la réindustrialisation, qui est selon Gabriel Colletis « compatible avec l’écologie ».[7]

Il s’avère compliqué de réindustrialiser en réduisant les émissions carbone.[8]

Alors que se multiplient des conflits sociaux autour des fermetures de sites, se développe  en parallèle des mouvements citoyens tentant de limiter l’émergence d’activités polluantes.

La place des territoires : territoires désindustrialisés et/ou à réindustrialiser.

La dimension territoriale a gardé  tout son sens  dans le contexte de mondialisation.

La globalisation de l’économie et la financiarisation de l’activité productive implique une centralisation plus ou moins opaque.

Elle a des incidences en matière de localisation des activités et s’accompagne de l’éloignement des centres de décision.

Il peut apparaître difficile d’agir sur le territoire du fait de la multiplicité des acteurs, de l’entrelacement des frontières administratives, économiques ou institutionnelles.

Le territoire reste une catégorie pertinente pour l’action collective des acteurs économiques et sociaux et pour l’intervention publique en général.

La «revitalisation des territoires (peut constituer) un enjeu de sortie de crise» tel que le titrait un article du Monde du 16 avril 2021[9], il y apparaît que plusieurs programmes financés par l’Etat visent à accélérer les politiques de la ruralité dans les petites villes et les centres-bourgs.

Les investissements industriels sont également concernés sur différents périmètres identifiés sur la base des intercommunalités, en lien avec les Conseils Régionaux dans le cadre du programme «Territoires d’Industrie».

Laurent Davezies affirme que[10] « l’Etat n’abandonne pas les territoires les plus fragiles » et que la France avait commencé à reconquérir des emplois industriels (+17000 entre le 3ème trimestre 2016 et le 3ème trimestre 2019)….pour combien de fermetures d’usines et de sites industriels[11].

L’Institut Montaigne, think tank de sensibilité libérale, constate de son côté que «… l’effacement de la politique volontariste d’aménagement des territoires  pendant près de trente ans a conduit à une forme de renonciation face aux déséquilibres territoriaux ».[12]

La désindustrialisation [13] apparait le plus souvent comme un phénomène exogène et macro-économique, où le territoire subit un processus dont il ne maîtrise pas l’origine et dont il cherche à atténuer les conséquences en matière d’emploi.

Les réponses à la désindustrialisation des territoires est d’une double nature.Tout d’abord, celle de l’attractivité où l’on « fait venir »  des entreprises en utilisant le marketing territorial pour « mettre en valeur  le territoire » et différentes aides matérielles et immatérielles. Ou bien une stratégie d’ancrage territorial des acteurs et des activités, en sachant que localiser n’est pas pour autant territorialiser.

Dans une phase de mutations intenses, la connaissance et l’analyse de ces dynamiques locales est vitale, car à partir d’un diagnostic partagé, le dialogue et la confrontation entre acteurs peut permettre d’élaborer des stratégies de développement. Avec la mondialisation et la transformation des systèmes productifs, le territoire est devenu un espace d’identité collective avec ses propres acteurs, ses institutions, ses modes de coopération …et de conflit.

On peut avancer sur plusieurs terrains en s’appuyant sur de véritables dynamiques territoriales[14].

Tout d’abord, il faut prendre en compte la difficulté d’actionner les compétences des différentes collectivités (mairies, intercommunalités, conseils départementaux, conseils régionaux ) et l’Etat, de les emboiter « sans se marcher sur les pieds ».

Ensuite, on doit  identifier des « échelles d’action » s’appuyant sur la proximité et non les seuls découpages administratifs.

Enfin, la réhabilitation de la planification « planification territoriale » [15], peut constituer un vecteur de mobilisation de l’intelligence collective.

Le rôle des Régions est fondamental, même si les nouvelles « grandes régions », tout comme les « anciennes »,  restent néanmoins des « naines » en matière budgétaire en comparaison d’autres régions européennes.

Au cours de la décennie écoulée, les régions et les acteurs territoriaux ont vu leurs compétences valorisées, notamment en matière industrielle, par des partenariats dans des dispositifs tels les « pôles de compétitivité » ou les « territoires d’industrie » plus récemment.

Elles peuvent jouer un rôle important pour orienter les stratégies industrielles publiques et privées par l’intermédiaire de schémas ou plans régionaux, en matière d’aménagement du territoire, de développement économique.

Des pistes pour avancer

Au niveau européen, la faiblesse de toute politique industrielle affirmée est largement liée au primat d’une politique de concurrence se voulant « libre et non faussée ».

Dans le même temps, des conditions nouvelles de concurrence mondiale se sont accentuées entre notamment la Chine et les Etats-Unis, l’Europe ne jouant le plus souvent qu’à la marge par le biais dans un secteur, par exemple l’industrie automobile, et d’un pays,  l’Allemagne pour ne pas la citer.

Dans le cadre du plan de relance européen, l’attention est plus marquée en direction de l’industrie du futur, digitalisée et décarbonée.

Des enquêtes récentes concernant le « grand retour de la souveraineté industrielle »[16]   témoignent d’une réelle attente dans l’opinion, dont se font l’écho les propositions des candidats déclarés ou supposés à l’élection présidentielle de 2022.

L’industrie a trouvé une nouvelle place dans l’action gouvernementale. Le plan de relance économique 2020-2022 (France Relance) mis en place au deuxième semestre 2020 consacrant à l’industrie plus d’un tiers de 100 milliards concernés avec des volets spécifiques consacrés à la décarbonation des industries et de l’énergie, à la réduction d’impôts de production, au programme d’investissements d’avenir, et à la relocalisation d’industries jugées « stratégiques » (agroalimentaire, santé, technologie ; pour 600 M€). Cette référence l’industrie est également présente dans le plan national de résilience et de relance (PNRR) adressé à la Commission européenne pour permettre l’obtention des 40 milliards de financements européens, soit la quasi-moitié de France Relance.

Une politique industrielle renouvelée pourrait reposer sur la relance, le maintien voire la relocalisation d’activités industrielles, d’où la nécessité absolue d’investir tant pour les groupes, que pour les ETI et PMI.

La création et le maintien d’emplois dans un contexte de mutations économiques doit recourir à des dispositifs de « transition » articulant la  formation et l’emploi.

La validité d’une stratégie de réindustrialisation doit aussi passer par les territoires et son véritable point d’appui peut être constitué par une  stratégie multi-acteurs, qui  peut en assurer le succès.

Si l’Etat doit être présent, il doit impliquer les Régions et inter-communalités, mais aussi les acteurs sociaux (syndicats et patronats) pour réactiver ou poursuivre le dialogue social territorial sur les mutations industrielles.


[1] Intervention d’Olivier Bouba-Olga ( Professeur à l’Université de Poitiers et responsable du service de prospective et d’études du Conseil Régional de Nouvelle Aquitaine) au débat du Café économique du 18 mai 2021 « L’avenir des territoires face à la crise : quels enjeux, quels défis ? »

« Impact économique de la crise sur les régions et leurs territoires. ».  Analyse portant sur l’emploi privé , décembre 2020. Les notes de Régions de France ;

[2] Louis Gallois : « La France a besoin de réindustrialisation ». Alternatives économiques juin- juillet 2020 ;

[3] Pierre Veltz « La société hyper-industrielle. Le nouveau capital productif «  Introduction  p.8.

[4] La Fabrique de l’Industrie Document de travail « De la souveraineté industrielle aux localisations : de quoi parle-t-on ? « Sonia Bellit, Caroline Granier et Carole Mimi (Septembre 2020)

[5]Cahier Lasaire n°47 « Réindustrialiser notre pays : quelle méthode ? »

[6]CESE avis du 23 mars 2021 « Etat des lieux des dispositifs d’accompagnement et de formation des actifs et de leur adaptation aux mutations induites par les crises numérique, écologique et sanitaire » 16 préconisations

[7]Socialter Avril 2020 « La réindustrialisation est compatible avec l’écologie » Avril 2020

[8] Le Monde 17 juin 2021 dossier transition écologique « Emplois industriels et climat : concilier l’inconciliable «

[9] Patrice Roger « L a revitalisation des territoires,  enjeu de sortie de crise »

   (10) Laurent Davezies « L’Etat a toujours soutenu les territoires «La République des idées. (Le monde du 13/03/2021)10

[11] Jean Luc Gibou « Relance(s), emploi, cohésion sociale : où en sommes-nous ? «   Chronique Café économique Décembre 2020

[12]Institut Montaigne « Rééquilibrer le développement de nos territoires « (Le monde 13/03/2021)

[13] Gabriel Colletis et Bernard Pecqueur « Les stratégies territoriales face à la désindustrialisation » in « Dynamiques territoriales et mutations économiques »

[14] Cahier Lasaire n°56 « Dynamiques territoriales et systèmes productifs : enjeux et acteurs »

Xavier Desjardins et Philippe Estèbe « Les trois âges de la planification territoriale »   L’économie politique n° 89 « La planification, une idée d’avenir »

« Face au défi énergétique, l’urgence de réinventer les ports »

L’économiste Sylvain Roche (GREThA) intervenant au Café Economique de Pessac,  a publié un article dans The Conversation France le 11 mai2021.

Sylvain Roche, economiste“Face au défi énergétique, l’urgence de réinventer les ports“

Les politiques maritimes sont l’un des terrains privilégiés pour initier la transition écologique. Conscients de leur vulnérabilité environnementale et économique, de nombreux ports se sont en effet engagés dans des stratégies de développement durable.

Outils structurants de l’activité économique mondialisée, véritables « hubs énergétiques » concentrant l’ensemble des mobilités (maritimes, terrestres, voire fluviales et aéronautiques), les « ports du futur » se veulent désormais plus économes en foncier, plus respectueux de l’environnement et mieux intégrés à la ville, notamment grâce à la notion de « port urbain ».

Ce contexte nous invite à nous intéresser aux stratégies énergétiques portuaires et à la façon dont elles tentent de s’ancrer dans une nouvelle dynamique environnementale, industrielle et territoriale.  Lire l’article sur le site

Chronique La dette africaine de Moussa LY

Chronique

LA DETTE AFRICAINE 

 

I)- Nature extravertie de la plupart des économies des pays africains, grande dépendance, notamment exportations de matières premières.

  • Le FMI prévoit une récession avec un recul du taux de croissance.
  • PIB Afrique 1,6% contre 3% pour la croissance mondiale, alors que la Banque Mondiale table sur 2,1% et 5,1% respectivement en 2020 ;
  • Pour la CEA (Commission Économique des Nations Unies pour l’Afrique), ce sera un taux de croissance de +1, 8% et recul du PIB avec pertes recettes d’exportations (près de 100 milliards de $ et même 500 milliards de $ selon SG/CNUCED), aussi recul IDE, fuites de capitaux et baisse envois des migrants.
  • Dette africaine est de 360 milliards de $ (365 milliards en 2020) dont 40% détenue par la Chine (Pour la « Jubilee debt Campaign» 20% due à la Chine et 17% paiement extérieur intérêts à la Chine) ;
  • Service dette africaine représente 10 et 13% des Budgets des pays africains soit près de 44 milliards de $ en 2020 (au Sénégal, il représente + de 10% du PIB) ;
  • En 2010, la part de la dette africaine/PIB représentait moins de 30% et en 2020 + de 50%;
  • A ce sujet il faudrait interroger le processus d’indépendance des pays africains: héritage du passif = dette coloniale, + les conditions d’endettement, le choc pétrolier des années 1970  baisse du taux d’intérêt  politiques catastrophiques d’ajustement structurel des années 1980 gonflement facture dette dont l’essentiel revient chez les bailleurs à cause du Mécanisme de décaissement pernicieux, vicieux, malgré l’annulation des dettes des années 2000 (PPTE) ;
  • La COVID- 19 est venue complexifier, densifier la dette extérieure africaine, les prêts souscrits pour y faire face venant gonfler celle-ci ;
  • Problème légitimité de la dette extérieure africaine en rapport aux conditions de la contraction de la dette : pour Achats biens et services des créanciers et faire travailler leurs entreprises plutôt qu’à servir intérêts pays débiteurs; ensuite fuite massive des capitaux et flux financiers illicites saignant l’Afrique et allant dans les Paradis fiscaux des pays G-20  et territoires sous leur contrôle, soit plus de 50 milliards de $ par an ! Selon Rapport Panel présidé par Thabo Mbeki (ancien Président de l’Afrique du Sud) ;
  • Enfin, Dette extérieure africaine représente un faible pourcentage des Plans adoptés par le pays du G-20 eux-mêmes pour faire face à la COVID-19, soit 16,6% du Plan de riposte de 2200 milliards de $ par les USA, et 500 milliards de $ par le G-20 pour relancer l’économie mondiale ;
  • Par rapport à cela, la dette africaine représente 7,3 % de ce Montant.

 

II)-  Quels moyens pour faire face à la Dette Publique de l’Afrique  et quel regard politique poser sur elle qui explose en raison de la crise sanitaire ?

  • Resserrement du Budget c’est-à-dire Réductions Dépenses publiques ;
  • Réduction dettes:
    • Annulation unilatérale (comme avec l’Argentine en 2002)
    • Annulation concertée (comme avec l’Allemagne en 1953) ;

Solution réclamée par les leaders africains : d’abord le Président du Sénégal, S.E.M. Macky Sall (Confer., 02/12/2019, à Dakar Conférence Internationale Africaine Sénégal/FMI/ONU/Cercle des Economiques ; « Développement durable et Dette soutenable, Trouver le juste équilibre », le Premier Ministre Ethiopien Abiy Ahmed, les pays du G-5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad) avec l’appui du Pape François et du Président français, Emmanuel Macron.

  • Restructuration négociée de la Dette :
  • Entre Juin et Décembre 2020, 23 pays ont souscrit au programme G-20 de l’Allègement du Fardeau de la Dette, 13 pays ont décliné (40% Dette africaine est Privée) ;
  • Moratoire sur paiement intérêts Dettes pays les plus pauvres, décidé par G-20 en Avril 2020, prolongé en Octobre 2020 jusqu’au 30 Juin 2021 et récemment jusqu’en fin 2021;
  • Favoriser une Nouvelle Allocation Générale Droits de Tirage Spéciaux (DTS), Combiner Réallocation Volontaire DTS Pays Développés vers Pays Africains (G-7/ FMI) ;
  • Prolonger Initiative Suspension Dette Banque Mondiale jusqu’à la fin juin 2022 (G-20).

III)- En Conclusion, l’on peut soutenir que seule une Annulation de la Dette Publique Africaine paraît justifiée et légitime, morale (comme le rappelle souvent le pape François), et aussi rationnelle (interdépendance Mondiale) ;

  • En définitive l’Afrique doit compter sur ses propres Forces, prendre son Destin en mains (par rapport Néolibéralisme après 2008) : Confer. La Zone de Libre Échange Continentale Africaine (ZLECAF) et la Monnaie « L’Eco» par rapport au Franc CFA.

Auteur Moussa Ly, Membre Conseil d’Administration CAFE ECONOMIQUE PESSAC.

Mardi 13 avril 2021

Chronique Réforme de l’assurance chômage : Lutte contre le chômage ou chasse aux chômeurs ? Eric Berr

Mardi 23/03/2021

Chronique de Eric Berr, maître de conférence en économie à l’université de Bordeaux, chercheur au Gretha, membre des économistes atterrés. 

 Réforme de l’assurance chômage : Lutte contre le chômage ou chasse aux chômeurs ?

 

Faire payer le coût de la crise aux plus pauvres, en les rendant responsables de leur situation. C’est encore une fois l’idée du gouvernement à travers la réforme de l’assurance chômage. Et c’est ce que nous explique Eric Berr dans sa chronique éco.

Décidée en 2019 et suspendue en raison de la crise sanitaire, la réforme de l’assurance chômage fait son retour. Contre l’avis de l’ensemble des syndicats, elle devrait être progressivement mise en œuvre à partir du 1er juillet prochain, date à laquelle le nouveau mode de calcul de l’indemnisation des demandeurs d’emploi sera appliqué.

Selon l’Unédic, ce ne sont pas moins de 840 000 personnes, soit 38 % des allocataires, qui connaîtront une baisse d’indemnisation de 20 % en moyenne par rapport à ce qu’elles touchaient avec les règles actuelles, même si elles auront des droits plus longs. Un autre volet de cette réforme concerne les règles d’éligibilité. Il faudra ainsi avoir travaillé 6 mois lors des 24 derniers mois, et non plus 4 mois lors des 28 derniers mois, pour bénéficier de l’assurance chômage. Cet allongement de la durée de travail ouvrant l’accès à l’assurance chômage risque de faire perdre leurs droits à 20 % des allocataires. Conscient de l’impopularité de telles mesures, le gouvernement envisage de les conditionner à une reprise sur le marché de l’emploi et à une baisse du chômage.

Du salaire socialisé et différé… à la prestation gérée par l’État

Les attaques du gouvernement actuel contre les prestations chômage ne sont pas nouvelles. Dès 2017, la suppression des cotisations chômage des salariés, remplacées par la CSG (qui est payée à 90 % par les salariés, les chômeurs et les retraités), avait pour objectif de priver les partenaires sociaux, et en particulier les syndicats, de tout pouvoir effectif, donc de supprimer la spécificité de l’assurance chômage en tant qu’assurance sociale. Ainsi, les prestations chômage, qui représentent en fait un salaire socialisé et différé, fruit de négociations entre travailleurs et patronat, sont en passe de devenir une prestation gérée par l’État. Cette étatisation progressive du système a permis au gouvernement de demander aux partenaires sociaux de réaliser des économies alors même que les comptes de l’Unédic s’amélioraient, aboutissant à la réforme en cours.

L’objectif du gouvernement est clair. Il s’agit, en durcissant les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi, de réaliser des économies (fixées initialement entre 1 et 1,3 milliard d’euros), donc de faire supporter aux plus fragiles le coût de la crise.

La fable du chômeur volontaire

La philosophie de cette réforme est clairement néo-libérale et repose sur deux idées erronées. Tout d’abord, on raisonne comme si le travail était une marchandise comme une autre. Ainsi, il existerait un marché du travail comme il existe un marché de l’automobile par exemple. Sur un tel marché, des offreurs de travail (les ménages) rencontrent des demandeurs de travail (les entreprises) et, dans le cas où ce marché fonctionne librement, leurs négociations aboutissent à une situation d’équilibre où chaque partie y trouve son compte, en particulier en matière de salaire.

Cela suppose également qu’au même titre que l’acheteur d’un véhicule se retirera du marché de l’automobile si les conditions de vente ne lui conviennent pas, un individu insatisfait par les conditions salariales résultant de cet équilibre décidera de se retirer du marché du travail, justifiant ainsi la fable du chômeur volontaire qui préférerait se complaire au chômage plutôt que de travailler.

Les faits ne cessent de contredire une approche qui pourtant continue toujours d’inspirer les politiques prônant la baisse des indemnités chômage (dans la durée ou en valeur) afin « d’inciter » les chômeurs à aller travailler plutôt que de « choisir » l’oisiveté.

Dans la vraie vie, seuls les employeurs ont le pouvoir d’embaucher ou de licencier

Mais, si le chômeur peut décider de travailler et qu’il lui suffit pour cela de « traverser la rue », c’est qu’il est en mesure de peser sur la décision d’embauche, deuxième idée fausse, dont on attend toujours la preuve. En effet, selon Pôle emploi, il y avait en 2018 entre 210 000 et 350 000 offres d’emploi non pourvues tandis que le nombre total de demandeurs d’emploi était de 6,5 millions. Il ne suffit donc pas de vouloir un emploi pour en obtenir un.

Contrairement aux fantasmes gouvernementaux, dans la vraie vie, seuls les employeurs ont le pouvoir d’embaucher ou de licencier. Et ils ne le font que si leurs carnets de commande sont remplis. Or, les entreprises le disent-elle mêmes, c’est bien en raison d’une insuffisance de la demande qu’elles n’embauchent pas. Selon l’INSEE, 30 % des entreprises déclaraient en janvier dernier faire face à des problèmes de demande tandis que 18% seulement déclaraient faire face à des problèmes d’offre.

Dès lors, rendre les chômeurs responsables de leur situation afin de réduire leurs prestations est une erreur économique car cela pénalise la demande. Mais c’est surtout, et encore plus dans la période actuelle, une grande injustice sociale.

Eric Berr 23/03/2021

Cette chronique a été réalisée pour l’émission « les clés de l’éco » de la radio la clé des ondes.

Le lienhttps://www.lacledesondes.fr/article/reforme-de-l-assurance-ch%C3%B4mage–lutte-contre-le-ch%C3%B4mage-ou-chasse-aux-ch%C3%B4meurs-

 

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