Article – L’interventionnisme nécessaire au capitalisme néolibéral déclinant, par Michel Cabannes Juin 2023

Article – L’interventionnisme nécessaire au capitalisme néolibéral déclinant, par Michel Cabannes *

https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-36-ete-2023/dossier-les-pratiques-de-l-etat-neoliberal-aujourd-hui/article/l-interventionnisme-necessaire-au-capitalisme-neoliberal-declinant

Revue Les Possibles n°36 https://france.attac.org/actus-et-medias/le-flux/article/trente-sixieme-numero-des-possibles-la-revue-editee-a-l-initiative-du-conseil

Dans les années 1980-1990, les réformes structurelles ont permis l’émergence du capitalisme néolibéral, financiarisé et mondialisé, en libérant le capital des contraintes publiques et sociales. La libéralisation a été rapide pour la finance et les normes administratives, progressive pour les échanges internationaux, le marché du travail, les monopoles sectoriels et les services publics. Les mutations ont favorisé la subordination des salariés aux entreprises et des entreprises à la finance.

 

BULLETIN DE RESERVATION SOIREE ANNIVERSAIRE DU 17 OCTOBRE 2023 18h30-20h30

BULLETIN DE RESERVATION SOIREE ANNIVERSAIRE DU CAFE ECONOMIQUE DE PESSAC LE 17 OCTOBRE 2023 18h30-20h30 (à imprimer)

 

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Chronique de Jean-Luc Gibou « La crise du travail : enjeux d’aujourd’hui et défis de demain » Avril 2023

Chronique Avril 2023
« La crise du travail : enjeux d’aujourd’hui et défis de demain »
De Jean Luc Gibou [1] 

 

La crise du  Covid 19 – sanitaire, économique et sociale –  a bousculé toutes les sphères de l’existence des individus et des sociétés.

Le travail n’en a été d’autant plus affecté. Les inégalités, dans et par rapport au travail et à la vie en sont révélatrices.

La « grande démission » voit des milliers de salariés quitter un travail, qui n’a plus de sens pour eux ou bien refuser de rejoindre les « métiers en tension » (hôtellerie-restauration, divers services ) dont les salariés cherchent en vain des salaires et des conditions de travail décentes.

Une enquête récente de la DARES (Ministère du Travail)[2] montre que plus d’un tiers des salariés déclare ne pas être capable de tenir leur travail jusqu’à la retraite. Les métiers en contact avec le public et physiquement exigeants sont jugés moins soutenables.

L’exposition aux risques professionnels va de pair avec le sentiment accru d’insoutenabilité. Une santé dégradée pèse sur le sentiment des salariés de pouvoir tenir dans leur travail jusqu’à la retraite, avec des interruptions de travail longues et fréquentes.

En moyenne, les changements organisationnels sont préjudiciables à la soutenabilité du travail, sauf si les salariés participent à la décision et malgré le peu d’efficacité des dispositifs de prévention et d’amélioration prévus à cet effet.

La sociologue Dominique Méda[3] montre que la France occupe une position particulière dans les comparaisons européennes, où elle apparaît « mal placée et même en queue de peloton dans certaines catégories, notamment les contraintes dans le travail ». Elle ajoute « .. la qualité de l’emploi n’est pas un supplément d’âme pour DRH en mal d’innovations ».

Le juriste du travail Alain Supiot[4]  nous dit que « notre système économique repose sur l’idée que l’être humain serait la première des marchandises ».

C’est cette conception de la « force de travail/marchandise » qui est ouvertement contestée

Ce sont toutes les dimensions de cette « crise du travail », de ses impacts que nous tenterons d’analyser.

  « Valeur-travail » et « valeur du travail » [5] : de quoi parlons-nous ?

La fameuse « valeur-travail » a été  remise en question. Les différents métiers -soignants, caissières, enseignants, agents de nettoyage, livreurs- mal rémunérés et peu considérés, étaient en « première » ou « deuxième » ligne dans la séquence du Covid 19.

La définition du Larousse renvoie la notion de « valeur » à trois dimensions.

Tout d’abord, ce qui est posé comme vrai, beau et qui « a de la valeur » selon les critères de société du moment.

Ensuite, comme quelque chose à défendre, ou encore de ce qui produit l’effet attendu et de ce que vaut un objet à échanger ou à vendre.

Enfin, la valeur est considérée comme fondant le développement de la personne et son insertion dans la société.

S’agissant des biens matériels ou de services utiles, le travail peut être considéré comme source de valeur d’usage. Inséré dans la sphère marchande, il s’y voit reconnaître une valeur d’échange.

La crise sanitaire a mis en lumière le rôle joué par les personnels de santé et plus particulièrement les infirmières qui, dans leur cas investissent dans leur travail jusqu’à l’épuisement.

L’utilité de leur travail, reconnu par la société créé une valeur d’usage pour la collectivité. La reconnaissance salariale revendiquée (et très partiellement satisfaite par les pouvoirs publics) de cette utilité sociale est au centre de la valeur d’échange de la force de travail.

Une conception de la « valeur-travail » est entrée dans le débat social, avant et après le débat sur la réforme des retraites. Elle  lui confère un caractère quasi-métaphysique (ontologique) pour la droite ou certaines fractions du patronat.  Elle tend à justifier certaines mesures de politique publique socialement régressives du type baisse des allocations-chômage ou l’obligation de travail par différents dispositifs comme le RSA.

Il rappelle plus le « Travail-Famille-Patrie » de Vichy que la politique d’insertion sociale et professionnelle prônée par Bertrand Schwartz.

Des mutations du travail qui ne datent pas d’hier et qui sont toujours d’actualité[6]

Revenons à la Révolution Industrielle (XVIIIème et XIXème siècle) qui a créé les manufactures, la division technique et sociale du travail, mais aussi ….la bourgeoisie et le prolétariat en tant que classes sociales.

La « révolution taylorienne », plus récente au début du XXème siècle, a introduit la chaîne automatisée. L’industrie automobile a servi de laboratoire aux USA, avec le cas de Ford.

La contestation du taylorisme va générer des conflits et mobilisations sociales emblématiques dans les années post-68 en France (« les conflits d’OS ») et en Italie (« l’automne chaud ») en 1969. L’organisation capitaliste du travail est l’objet et l’enjeu de cette nouvelle conflictualité productive.

Les mutations qui traversent le travail en recomposent les frontières-entre la vie professionnelle et la vie personnelle, entre le bureau et le domicile, entre l’individuel et le collectif- pour en donner (ou non) du sens ou générer de « mauvais emplois « (bullshit jobs), parfois tout au long de la vie.

Les tendances récentes ont mis en lumière plusieurs grandes tendances

La place croissante du management et ses injonctions par la « pression du chiffre » devient la clé de voute de la gestion des « ressources humaines ». Il remplace le chronométrage et le bureau d’études.

Les plateformes numériques transforment profondément le travail et engendre une polarisation accrue entre des emplois de plus en plus précaires et d’autres plus autonomes et diversifiés.

La numérisation des activités, illustrant peu à peu un nouveau capitalisme. Il s’appuie sur un nouveau rapport au temps et à l’espace, que l’on peut inscrire dans cette ubérisation de la société

Le rapport à la nature, longtemps saccagée par un capitalisme productiviste est remis en question. Des « catastrophes naturelles «  de plus en plus fréquentes affectent l’ensemble de la planète (par exemple le « réchauffement climatique »).

Ils reformulent la nécessité   d’une intervention publique sur l’environnement au sens large par des politiques de transition écologique et/ ou énergétique.

Ainsi de nouveaux rapports au travail se nouent peu à peu qui vont au-delà des pratiques de refus (« l’allergie au travail »), des idéologies de la « fin du travail », non sans oublier la dure réalité de la « souffrance au travail » par le développement des risques psycho-sociaux.

Le salariat, assujetti au régime juridique de la subordination par le contrat de travail,  est remis en question par les nouvelles formes de travail et la précarisation et parallèlement  l’accès (ou non) à la protection sociale.

Le tryptique « travail, citoyenneté, démocratie » à l’épreuve du néo-libéralisme

Si le travail a un statut ambivalent dans le système capitaliste à la fois source d’usure, de maladie, il peut être également un vecteur d’identité sociale ou d’autonomie.

En ce sens l’ambition historique du mouvement ouvrier n’en sera pas moins d’en réduire le rôle ou la place mais de le transformer.

Cette transformation prendra deux formes : la place du travail dans les futures économies socialistes (le stakhanovisme qui n’est pas une réussite) mais aussi les luttes (ou non luttes) diverses et variées s’inscrivant dans cette perspective.

Les débats et/ou les compromis sociaux (y compris dans les négociations collectives) illustrent l’existence de nouveaux modèles d’organisation du travail  couplés à de nouveaux modèles productifs, dont le fordisme a pu accoucher.

Cela suppose que le mouvement syndical n’attend pas un changement de société pour changer le travail[7].

Il y a bien là de nouvelles pistes pour cerner le rapport entre la citoyenneté (du travailleur) et le travail « concret » et non « abstrait ».

Il appelle une nouvelle démocratie, celle de la collectivité de travail et de l’entreprise (démocratie du travail), celle au niveau de la nation, de la branche d’activité, du territoire (démocratie sociale) qui complète la démocratie politique et  redonne à la démocratie toute sa fonction de représentation des citoyens.

La démocratie sociale[8] est ancrée sur les univers sociaux et des travailleurs et travailleuses. C’est à la fois sa fonction et sa légitimité de prendre en compte les réalités concrètes de travail, leurs conditions matérielles (par exemple la pénibilité), pour les différentes catégories de salariés.

On est bien loin de la conception qui consisterait à penser l’âge de la retraite selon des butoirs financiers et comptables.

Elle a été mise à mal au cours du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, plus particulièrement par les ordonnances  Macron-Pénicaut de septembre 2017)[9].

Le but avoué et paradoxal était à la fois de « cornériser » le syndicalisme dans l’entreprise,  tout en éloignant  les institutions de représentation de la vie concrète des collectifs de travail et en diminuant les droits collectifs et les moyens correspondant.

Pour mettre en perspective : donner du sens au mouvement social

La puissance du mouvement social contre la réforme des retraites s’est déployée dans un contexte politique, économique,  social et international particulièrement tendu.

La stratégie du gouvernement qui a consisté à opposer « les urnes » à la rue  dans ce conflit social s’est avéré sans issue. Comme le souligne Alain Supiot[10] elle montre que « l’action collective des salariés est constitutive d’une citoyenneté sociale (qui) est essentielle à la vie démocratique ».

Les efforts de la population confrontée aux diverses restrictions au cours de la pandémie avec ce qui s’en est suivi : inflation, hausse des prix, crise de l’énergie, guerre en Ukraine.

Une des questions majeures qui revient est bien celle d’un « renouveau syndical ».

Par son caractère unitaire, il  renforce sa légitimité  en tant qu’acteur social et sa capacité à représenter le monde du travail, à contrario d’un patronat, dont le silence est assourdissant. Attend-t-il les prochaines exonérations fiscales et sociales ou les crédits d’impôt divers et variés, qui sortiront des prochaines lois ?

L’ancrage territorial du mouvement social sous la houlette des intersyndicales départementales et/ou locales rassemblent dans les manifestations,  depuis le mois de janvier,  des catégories de salariés diverses. Elles ont en commun d’être particulièrement marquées par le poids du travail dans leur existence.[11]

Ces salarié(e)s  directement impacté(e)s sont celles et ceux des métiers manuels industriels, de service à la personne… Ils et elles  commencent à travailler en moyenne à l’âge de 22 ans. Les caristes et les caissières ne peuvent pas télétravailler. Les capacités d’organisation syndicales déclinent  moins vite dans la fonction publique qu’ailleurs.

Sans négliger l’ombre menaçante du FN, avec son projet xénophobe et réactionnaire,  les colères sociales peuvent converger, comme le montre le précédent   des « Gilets jaunes ».

Un nouvel espace interprofessionnel émerge pour le syndicalisme dans les territoires pour répondre à ces défis.

La mobilisation sociale doit tout d’abord gagner la bataille par le retrait du projet de retraite à 64 ans mais aussi redonner du sens à la « question du travail »[12].

Si le lien n’apparaît pas évident à première vue, les différents acteurs peuvent s’en emparer.

Une telle vision d’avenir doit ainsi donner du sens à un mouvement social, dont la « crise du travail » est la véritable toile de fond.

[1] Membre du Café économique de Pessac –   Ancien responsable régional de la CFDT-Aquitaine

[2]  DARES  Analyses n°17 mars 2023 « Quels facteurs influencent la capacité des salariés à faire le même travail jusqu’à la retraite ?

[3] « De la crise du travail en France » Dominique Méda, Le Monde 29-30 juin 2023

[4]« La révolution du travail » Le Monde hors-série 2022

[5] « Le travail, une valeur » Jacques Freyssinet IRES Document de travail n° 1/ 2022 Février     2022

[6] « Les nouveaux rapports au travail » Cahiers français n°418/ 2020 –  « Le travail dans tous ses états » L’économie politique n° 92 / Novembre 2021

[7] Bruno Trentin  « Changer le travail et la vie ou conquérir d’abors le pouvoir ? » in  la « Cité du travail », Editions Fayard

[8] Alain Supiot « Un gouvernement avisé doit se garder de mépriser la démocratie sociale » Le  Monde 16/03/2023

[9] Revue de l’IRES n°2-3/ 2022   N° spécial « Après les ordonnances Travail de 2017 : la négociation collective toujours plus proche de l’entreprise »

[10] Alain Supiot op.cit

[11] « La gauche et les sous-préfectures « Axel Bruneau, Thibault Lhonneur Fondation Jean Jaurès 08/02/2023

[12] « Redonner du sens au travail » Thomas Coutrot, Coralie Pérez La République des idées –  Editions du Seuil -2022

 

 

Chronique de Michel Cabannes « La nouvelle inflation » (Mars 2023)

Chronique de Michel Cabannes (Mars 2023)

La nouvelle inflation 

L’inflation depuis 2021, moins forte que celle des années 1970, présente des spécificités. Très différenciée suivant les produits, initiée par des raretés et persistante par les profits, elle contribue à une forte régression sociale.
Une inflation différenciée.
En France, le taux d’inflation est sur un plateau de l’ordre de 6% depuis novembre dernier (indice des prix à la consommation INSEE : février 2023 : 6,3%. Il est de 9,2% dans la zone OCDE, de 8,6% dans la zone € (janvier 2023).
En France, la hausse est plus forte pour l’énergie (14,1% février 2023, tendance au reflux) et pour l’alimentation (14,8%, tendance persistante) que pour les produits manufacturés (4,7%) et les services (3,0%). Cela vaut aussi pour la zone euro. Aux Etats-Unis, l’inflation a été plus précoce qu’en Europe et résulte moins de l’énergie que de l’alimentation et des autres biens et services. 
Une inflation de raretés et de profits.
L’inflation a resurgi en raison de raretés et elle persiste en lien avec les profits.
. Le rôle des nouvelles raretés.
Des tensions sont apparues à la fin du covid entre la hausse de la demande, du fait des plans de relance et des liquidités accumulées, et les rigidités de l’offre, accrues par le covid. Les prix des hydrocarbures se sont envolés du fait des tensions de la fin du covid en 2021, puis de la guerre d’Ukraine en 2022 (baisse des importations russes). La hausse a affecté aussi des matières premières. Les prix des produits alimentaires ont grimpé du fait de mauvaises récoltes en 2021, puis de la guerre d’Ukraine, réduisant l’offre de céréales. Les prix de nombreux biens manufacturés et services ont augmenté en raison de la désorganisation des capacités de production et des chaines de valeurs (composants industriels, semi-conducteurs, vaccins, transport maritime).
. Le rôle du pouvoir de marché des firmes.
L’inflation persiste surtout en raison du pouvoir de marché des firmes qui ont la capacité d’exploiter les raretés par des hausses de prix allant au-delà des hausses de coûts. Elles ont accru leur prix de vente au-delà de la hausse des prix de l’énergie. Le pouvoir des firmes a cru en lien avec les concentrations. Aux Etats-Unis, les nombreuses fusions acquisitions ont renforcé les oligopoles.
Cela produit une dynamique de profits. La hausse des prix permet de soutenir les profits du capital dans un contexte de baisse des gains de la productivité. Aux Etats-Unis, l’inflation est alimentée surtout par la hausse des profits d’entreprises (53%), bien plus que par celle des salaires (8%). Le taux de marge bénéficiaire a remonté en 2021 dans la zone €, plus tardivement en France.
Une inflation de régression sociale.
– Les salaires à la traîne.
Nulle part les salaires ne suivent l’inflation dans les pays avancés, d’où une baisse des salaires réels. Dans la zone euro, en 2022, la hausse des salaires par tête a été inférieure à 5% alors que l’inflation a dépassé 10%, soit un écart de plus de 5 points.  L’écart a été de 3,1 pts en Allemagne (2022) et de 1,7 pt en France (salaire de base +3,7%, prix +5,4% entre le 3ème trimestre de 2021 et de 2022). Cela résulte d’un pouvoir de négociation des travailleurs affaibli par plusieurs décennies de dérèglementation du marché du travail, de mondialisation néolibérale et de dépendance accrue au crédit. En France, il n’y a même pas de hausse des salaires plus forte pour les métiers en tension (construction, hébergement-restauration, services aux entreprises…).
– Une inflation inégalitaire.
. Les plus pauvres subissent une inflation plus élevée que les plus riches. En France :  0,8 point d’écart entre les taux d’inflation des 20% plus pauvres et 20% plus riches. Motif : les postes les plus inflationnistes couvrent une part plus grande de leur budget (% alimentation : plus pauvres 40%, plus riches 18%).
. Les ménages ruraux subissent une inflation plus forte que ceux de l’agglomération parisienne (1,8 point d’écart) en raison des coûts de transport.
. Les ouvriers subissent une inflation plus forte que les cadres (en France,1 point d’écart du 1er trim. 2021 au 1er trim. 2022). 
Les politiques face à l’inflation.
– Les politiques actuelles.
D’une part, elles limitent certains effets de l’inflation par des mesures partielles (boucliers énergétiques, aides ciblées). D’autre part, elles utilisent les hausses des taux d’intérêt, ce qui ne s’attaque pas aux causes majeures de l’inflation.
– Une politique économique alternative.
Elle devrait associer des contrôles des prix et des positions dominantes, une évolution négociée des revenus préservant le pouvoir d’achat des salariés et une politique monétaire mesurée au service des objectifs écologiques et sociaux. 
Les perspectives de l’inflation.
A court terme, la Banque de France anticipe une inflation de 3,8% fin 2023.
Mais rappelons qu’un reflux de l’inflation ne signifie pas la fin de la vie chère puisque cela ne signifie pas une baisse des prix,
Au-delà, la question fait débat entre ceux qui prévoient un retour à la modération (Banque de France : 2% en 2024 et 2025) avec un reflux des raretés (énergie, alimentation) et ceux qui prévoient une inflation persistante pour divers motifs structurels (démondialisation et transition écologique notamment).

Michel Cabannes, économiste (membre de l’association Le Café Economique de Pessac)

Chronique de Michel Cabannes « L’évasion fiscale : un vrai « pognon de dingue » (février 2023) »

Chronique de Michel CABANNES (Février 2023)

L’évasion fiscale : un vrai « pognon de dingue »

Un phénomène devenu structurel. 

L’évasion fiscale est une stratégie d’évitement de l’impôt en plaçant les avoirs financiers dans des pays à fiscalité avantageuse sans s’y expatrier. Elle englobe la fraude fiscale (illégale) et l’«optimisation fiscale» (légale). Elle a prospéré avec la mondialisation financière grâce à la dérèglementation. 

– Les bénéficiaires sont des riches particuliers et les firmes multinationales. Des individus fortunés, des criminels et des personnalités dissimulent leurs avoirs par des sociétés écrans dans des paradis fiscaux avec l’aide d’intermédiaires (banques, cabinets de conseils, avocats) comme le montre la litanie des révélations publiques récentes (Offshore Leaks, Luxembourg Leaks, Panama Papers, Paradise Papers, Pandora Papers…). Les multinationales localisent leurs profits artificiellement dans les paradis fiscaux, en manipulant les prix de transferts entre filiales et négocient des conventions fiscales très avantageuses. 

– Les destinataires sont les paradis fiscaux. Ils ont un secteur financier développé, des taux d’imposition nuls ou faibles, des pratiques favorables au secret bancaire et à l’impunité judiciaire et des avantages fiscaux sans exiger de réelle activité sur place. Ils se situent dans des iles lointaines (iles Caïman, Bahamas…) souvent dépendant de grands centres financiers (City de Londres), mais aussi en Europe (Luxembourg, Pays Bas) et aux Etats Unis (Delaware).  

– La persistance de l’évasion fiscale et des paradis fiscaux résulte de plusieurs causes : le lobbying des multinationales, l’influence des riches particuliers, la complicité des grands centres financiers, le soutien des gouvernants à leurs firmes et les désaccords entre Etats pour y mettre un terme. L’évasion fiscale est devenue un facteur structurel de la rentabilité du capital.   

Une atteinte aux droits humains économiques. 

– Un appauvrissement massif des Etats. 

L’évasion fiscale représente « un pognon de dingue ». Au niveau mondial, les avoirs cachés dans les paradis fiscaux s’élèveraient à 8700 milliards $ (Gabriel Zucman). La part des profits internationaux des firmes logés dans les paradis fiscaux est passée de moins de 2% dans les années 1970 à près de 40% aujourd’hui. L’évasion fiscale des multinationales coûterait aux Etats environ 500 milliards de $ par an. Les Etats des pays en développement perdent presque 2 fois plus que les pays riches en proportion de leurs recettes. Les pays africains perdent près de 90 milliards d’€ chaque année du fait de flux financiers illicites. 

– … au détriment de la satisfaction des besoins. 

L’évasion fiscale prive les Etats de ressources cruciales pour financer les services publics nécessaires pour les besoins essentiels (éducation, santé, logement), la réduction des inégalités et la défense du climat. C’est un crime humanitaire dans les pays du Sud où les besoins sont immenses. 

– … et au détriment de la justice fiscale. 

L’évasion fiscale rend les systèmes fiscaux plus injustes. Cela implique le report de l’impôt vers ceux qui ne peuvent la pratiquer : des plus riches vers les contribuables aux revenus plus modestes et des multinationales vers les PME. Cela mine la solidarité nationale et les fondements des systèmes démocratiques.   

Le chantier de la transparence 

Au niveau des paradis fiscaux, des progrès ont concerné le secret bancaire (2010) et à l’échange automatique entre Etats d’informations sur les comptes (2014). Mais les sociétés écrans et les trusts dissimulent  l’identité des propriétaires. Il faut que l’UE crée des registres publics complets et accessibles des véritables propriétaires. 

Au niveau des multinationales, la transparence nécessite le « reporting pays par pays public » : la publication par les firmes des informations sur la répartition de leurs activités et de leurs impôts. La directive de l’UE (2021) est insuffisante : la publication se limite aux pays membres et à des paradis fiscaux d’une liste lacunaire. Il faut obliger les firmes à publier des informations sur l’ensemble de leurs activités et de leurs impôts.   

Le chantier de la fiscalité des multinationales. 

. L’accord promu par l’OCDE (2021) inclut 2 volets. Le pilier 1 prévoit la taxation des bénéfices dans les pays où les multinationales réalisent leurs ventes. Cela ne concerne qu’une part restreinte des bénéfices d’une centaine de firmes. Le pilier 2 prévoit un taux minimum d’imposition de 15% des bénéfices logés à l’étranger par les multinationales. Cela pourrait rapporter 220 milliards $ d’après l’OCDE (9% des recettes mondiales de l’impôt sur les sociétés). Mais le taux est trop bas pour prévenir toute l’évasion fiscale et il risque d’accélérer une course à la baisse des taux vers 15%. La réforme va bénéficier surtout aux pays riches qui vont récupérer la plus grande partie des recettes.

– Il est nécessaire d’aller plus loin. Il faut créer une taxation unitaire des multinationales (taxer le bénéfice global et le répartir d’après les activités) à un taux effectif suffisant de l’ordre 25%. Il faut créer un organisme fiscal à l’ONU (représentation égalitaire) et une Convention internationale sur la fiscalité.  

A terme, l’intérêt général de l’humanité nécessitera une mobilisation auprès des dirigeants politiques ayant pour objectif l’élimination des paradis fiscaux.  

 

Un film à voir au Cinéma Jean Eustache de Pessac  « La (très) grande évasion » de Yannick Kergoat le Mercredi 26 avril 2023 suivi d’un débat animé par l’Association Le Café Economique de Pessac 

« Comment la culture numérique impacte-t-elle aujourd’hui nos vies et le monde informationnel ?  Quels sont les enjeux pour l’éducation et la démocratie ? »

Débat Mardi 13 Septembre 2022 18h-20h
« Comment la culture numérique impacte-t-elle aujourd’hui nos vies et le monde informationnel ? 
Quels sont les enjeux pour l’éducation et la démocratie ? »

 

Le numérique n’est pas qu’un outil ; Il est en effet une culture car il entraine des modifications et a un réel impact sur le travail, l’économie, sur tous nos modes de vie, nos moyens de s’informer, de communiquer, de se soigner, de créer, d’innover…

D’où l’émergence d’opportunités à réfléchir et utiliser pour répondre aux enjeux nouveaux de la société transformée par le numérique.

La crise sanitaire en a révélé l’importance et a permis le développement de compétences en lien avec les usages du numérique, une harmonisation de ces usages et une proximité plus grande entre adultes, élèves et familles. Elle a aussi mis au jour la fracture numérique (décrochage, difficultés de suivi), la cyber violence et parfois le caractère perçu comme chronophage du numérique. La sobriété numérique elle aussi, interroge.

Les questions portent également sur la dématérialisation des services, sur la protection des données, sur les réseaux sociaux, avec des adultes désemparés.

La lutte contre la désinformation constitue un enjeu central pour l’équilibre de nos démocraties. Face à l’amplification des désordres informationnels, comment évaluer la qualité et la pertinence d’une information, identifier la source et sa crédibilité ? Et comment l’esprit critique vient-il aux enfants ? Le lien à l’éducation aux médias et à l’information est-il suffisant pour une situation qui dépasse le cadre de l’école et interroge le rôle des parents ? Quelle est leur implication, quelle connaissance ont-ils des pratiques numériques de leurs enfants ?

En éducation, chacun est concerné, institutions, collectivités, lieux de formation et de culture, lieux de médiation. La communauté éducative dans son ensemble requiert également un travail avec les filières industrielles, les éditeurs de ressources, mais aussi avec les parents et les élèves !

Doit-on parler de citoyenneté numérique ou de compétences de citoyens évoluant dans un environnement numérique ? Quels sont les enjeux ? 

Invités :

Michelle Laurissergues,

Présidente et Fondatrice de l’An@é*, co-fondatrice d’Educavox et responsable éditoriale

 


Anne Lehmans,

Professeure à l’Université de Bordeaux (INSPE) en sciences de l’information et de la communication


Marcel Desvergne,

Citoyen numérique mobile, vice-président de l’An@é, Responsable associatif accompagnant le développement numérique.

 

 

Lieu : BSE Bordeaux Sciences Economiques Université de Bordeaux
avenue Léon Duguit – Bâtiment H 1er étage -33608 Pessac GPS Q9XM+8F – Tram B – Arrêt Montaigne/Montesquieu  S’y rendre le plan ICI

Contact : Laurence Derache  05.56.84.86.67

 S’inscrire en ligne ICI ou par mail : contactcafeco@gmail.com

 

Un événement historique pour l’ESS Chronique de Timothée Duverger (28/06/2022)

Chronique de Timothée Duverger (28/06/2022)

Maître de conférences associé à Sciences Po Bordeaux, président de l’association des lecteurs d’Alternatives Economiques

 

Un événement historique pour l’ESS

La 110e session de la Conférence internationale du travail (CIT) s’est achevée le 11 juin 2022 en adoptant pour la première fois, dans ses conclusions, une définition universelle de l’économie sociale et solidaire (ESS). C’est un événement historique, qui pose un jalon essentiel pour aller vers une révolution au sein des Nations unies.

Créée en 1919, l’Organisation internationale du Travail (OIT) a proclamé quatre-vingts ans plus tard que son « but fondamental (…) est que chaque femme et chaque homme puissent accéder à un travail décent et productif dans des conditions de liberté, d’équité, de sécurité et de dignité ». Le travail décent a intégré l’Objectif 8 du programme de développement durable pour 2030 des Nations unies. Il repose sur quatre piliers : la création d’emploi, la protection sociale, le dialogue social, et les droits au travail – dans lesquels il était prévu d’intégrer les enjeux de sécurité et de santé lors de cette CIT.

Un intérêt croissant

L’intérêt de l’OIT pour l’ESS est ancien, si l’on considère la création dès 1920 d’une unité des coopératives. Il a toutefois fallu attendre 2002 pour que les coopératives fassent l’objet d’une recommandation. Plus récemment, des recommandations de l’OIT ont élargi son intérêt à l’ESS et renforcé son rôle en faveur de la transition de l’économie informelle à l’économie formelle en 2015 ou de la résilience après une guerre, une guerre civile ou des catastrophes en 2017.

La pandémie est venue accélérer la reconnaissance de l’ESS

Cette place de l’ESS s’est confirmée en 2019 lors de la déclaration du centenaire de l’OIT qui y voyait des « entreprises durables », capables « de générer du travail décent, de parvenir au plein-emploi productif et d’améliorer les niveaux de vie pour tous ». La pandémie est venue accélérer la reconnaissance de l’ESS. En 2021, l’Appel mondial en vue d’une reprise centrée sur l’humain pour sortir de la crise du Covid-19 a relevé la contribution de l’ESS au travail décent et appelé les gouvernements à la soutenir, particulièrement dans les secteurs d’activité les plus touchés.

Les vertus de l’ESS

Dans son rapport préparatoire, l’OIT a reconnu la contribution de l’ESS au travail décent et au développement durable. Le rapport insiste sur sa capacité à créer des emplois dans de nombreux secteurs d’activité, comme l’alimentation, le logement, les soins aux enfants ou aux personnes âgées ou encore les services financiers. Les initiatives de l’ESS participent à la réduction des inégalités dans les zones rurales et particulièrement des inégalités femmes-hommes. L’ESS apparaît aussi comme un acteur clé des systèmes de protection sociale. Elle peut faciliter l’accès à des assurances collectives ou fournir des services sociaux, de santé ou de logement.

Plus résiliente que l’économie classique face au ralentissement de l’activité économique comme lors de la crise financière de 2008, l’ESS a par ailleurs non seulement mieux résisté à la pandémie, mais aussi répondu aux besoins sociaux urgents et développé des dispositifs de solidarité au cours de celle-ci. Les personnes les plus vulnérables, dont les réfugiés, y trouvent des opportunités d’inclusion sociale, ce qui participe à la réduction de la pauvreté et des inégalités. L’ESS est aussi en première ligne des efforts de reconstruction, de redressement économique comme de cohésion sociale, après des catastrophes naturelles ou des guerres.

L’ESS accompagne également les transitions, poursuit le rapport, que celles-ci concernent la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle, la transition numérique (plate-forme coopérative, services) ou la transition écologique (énergies renouvelables, économie circulaire, alimentation durable).

Ces vertus prêtées à l’ESS n’excluent pas quelques points de vigilance, concernant en particulier les droits au travail. Si l’ESS peut être amenée à promouvoir les normes internationales du travail, le rapport alerte sur les risques liés aux « pseudo-coopératives » créées pour contourner les législations du travail.

Une reconnaissance internationale

L’engouement pour l’ESS a conduit la Conférence internationale du travail à adopter une résolution et des conclusions. Après la pandémie, les organisations internationales font de l’ESS une priorité pour construire une économie plus résiliente, capable de résister aux crises et d’apporter des solutions aux problèmes sociaux et environnementaux.

C’est historique, pour la première fois l’ESS bénéficie d’une définition universelle. Elle se caractérise, d’abord, selon une approche normative, par ses principes : intérêt collectif et/ou général, coopération volontaire et entraide, gouvernance démocratique et/ou participative, autonomie, indépendance, primauté de l’humain et de la finalité sociale sur le capital. Cette définition est complétée d’une approche juridico-institutionnelle intégrant dans son périmètre les coopératives, les mutuelles, les associations, les fondations, les entreprises sociales, les groupes d’entraide et toute entité fonctionnant selon ses principes.

Tout l’enjeu est de diffuser l’ESS à travers le monde par la création d’un environnement juridique favorable

L’OIT reconnaît pleinement la « contribution de l’économie sociale et solidaire au travail décent, à des économies inclusives et durables, à la justice sociale, au développement durable et à l’amélioration des niveaux de vie pour tous ». Elle prévoit la création d’un observatoire international chargé de développer la connaissance statistique de l’ESS, préalable à la mise en œuvre de politiques nationales dédiées, pour lesquelles elle interpelle les gouvernements. Tout l’enjeu est en effet de diffuser l’ESS à travers le monde par la création d’un environnement juridique favorable, son intégration aux stratégies de relance et d’emploi et son accès aux financements, aux marchés, aux technologies, aux infrastructures ou aux marchés publics.

Plus qu’un effet de mode, nous assistons bien à un mouvement d’ampleur, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ayant adopté le même jour une recommandation sur l’ESS et l’innovation sociale, qui vise également le développement de politiques d’ESS par ses Etats membres. Le développement de l’ESS devient ainsi un enjeu mondial à l’ère post-Covid, cette reconnaissance nouvelle venant crédibiliser le projet d’en faire la norme souhaitable de l’économie de demain.

Bulletin participation Assemblée Générale Ordinaire Mercredi 15 Juin 2022 18h

ASSEMBLEE GENERALE  ORDINAIRE

MERCREDI 15 JUIN 2022 18H

Lieu : Salle Roger Cohé 7, rue des Poilus Pessac


BULLETIN DE PARTICIPATION


Bulletin de participation à remplir et à nous retourner par e-mail : contactcafeco@gmail.com
Je,
soussigné(e)
  • assistera à l’AG
  • n’assistera pas à l’AG : merci de donner votre Pouvoir (ci-dessous)
Lieu : Salle Roger Cohé 7, rue des Poilus Pessac  https://www.sortir.eu/salles/salle-roger-cohe

POUVOIR
Je, soussigné(e) :
donne pouvoir à :
afin de voter en lieu et place lors de l’AG du Mercredi 15 juin 2022
Date :                                                                                             Signature :

 CANDIDATURE
Je, soussigné (e)
Adresse :
Téléphone :
E-mail :
présente ma candidature au Conseil d’Administration de l’Association Le Café Economique Pessac
Date :                                                                                            Signature :
Important : Bulletin de candidature à nous retourner par e-mail : contactcafeco@gmail.com
ou à nous remettre le jour de l’AG  
« Un pot de l’amitié sera servi à l’issue de l’Assemblée Générale »

Convocation Assemblée Générale Ordinaire le Mercredi 15 juin 2022 18h

CONVOCATION

ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE

MERCREDI 15 JUIN 2022 18h

Lieu : Salle Roger Cohé 7, rue des Poilus Pessac


 ORDRE DU JOUR
 A partir de 18h :
  • Pointage des présents
  • Vérification adhésions saison 2021/2022
18h30 : ouverture de la séance :
  • Compte rendu moral de la présidente
  • Compte rendu de la trésorière
  • Discussion et mises aux voix
  • Evénements, débats de la saison écoulée 2021/2022
  • Présentation du programme saison 2022/2023
  • Questions diverses
  • Election du conseil d’administration
« Un pot de l’amitié sera servi à l’issue de l’Assemblée Générale »
A très bientôt !
Les membres du bureau

  Important !

Merci de nous confirmer votre présence en répondant au bulletin de participation (à éditer), à remplir et à nous retourner par  e-mail : contactcafeco@gmail.com

Chronique – Une autre économie pour une autre Europe ? de Timothée Duverger

Chronique de Timothée Duverger – 16 Février 2022

« Une autre économie pour une autre Europe ? »

La Commission européenne a présenté son plan d’action pour l’économie sociale le 8 décembre. A la veille de la présidence française de l’Union européenne, sans tambour ni trompette, c’est à une petite révolution qu’elle appelle. On y lit ainsi que « l’économie sociale a le potentiel de remodeler l’économie de l’après-Covid grâce à des modèles économiques inclusifs et durables conduisant à une transformation écologique, économique et sociale plus équitable ».

Ce plan constitue une étape historique pour l’économie sociale, qui n’avait jamais été appréhendée de manière systémique, mais considérée plutôt comme un secteur à développer le plus souvent en lien avec les problèmes d’emploi. Conçu dans le contexte de la crise du Covid-19, il est marqué par les mutations qui lui sont liées. Outre sa contribution à la prospérité économique et sociale, le rôle de l’économie sociale en faveur de la transition écologique et numérique est souligné. La réhabilitation de l’interventionnisme qui accompagne la pandémie va-t-elle changer l’Europe, depuis longtemps soumise au dogme de la concurrence ?

D’autres dossiers semblent l’indiquer, comme les mesures proposées à destination des travailleurs des plates-formes ou les avancées concernant une directive sur le salaire minimum. Si l’économie sociale compte 13,6 millions d’emplois, soit 6,3 % de la population active, des situations très disparates coexistent en Europe. Elle représente entre 9 % et 10 % des emplois en Belgique, en France, au Luxembourg et aux Pays-Bas, mais moins de 2 % chez les nouveaux entrants de l’Union européenne comme Chypre, la Croatie, la Lituanie, Malte, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie. Cette hétérogénéité explique aussi, non seulement la difficulté à définir l’économie sociale, mais également ses différents niveaux d’institutionnalisation selon les pays. Confié au commissaire européen Nicolas Schmitt, auparavant ministre luxembourgeois en charge de l’Economie sociale, le plan d’action fixe une ambition de convergence et de développement de l’économie sociale à horizon 2030. Sans avancer de chiffre précis, il prévoit une augmentation du budget lui étant consacré (2,5 milliards d’euros entre 2014 et 2020).

La Commission se propose d’assister les Etats membres dans la définition de leurs stratégies et mesures en faveur de l’économie sociale. Elle prépare pour cela en collaboration avec l’OCDE des lignes directrices sur les cadres juridiques appropriés. Sur les 27 Etats membres, seuls 8 ont par exemple déjà adopté entre 2008 et 2016 des lois qui lui sont dédiées : Belgique (au niveau régional), Espagne, Portugal, France, Roumanie, Italie, Grèce et Luxembourg. Pour créer un environnement favorable, la Commission cherche également à assouplir le droit de la concurrence en facilitant l’accès aux incitations fiscales, aux aides d’Etat (subventions, aides à l’embauche de travailleurs défavorisés), ainsi qu’aux marchés publics comme privés. Ne pas louper le coche L’économie sociale est également placée au cœur de la feuille de route économique de l’Europe. Elle figure ainsi parmi les quatorze écosystèmes de sa stratégie industrielle, en vue notamment de renforcer les compétences et la reconversion des travailleurs.

Pour son développement, la Commission souhaite mobiliser des financements privés à travers le programme Invest EU (garanties permettant l’accès au crédit, investissements en fonds propres ou quasi-fonds propres, investissements en capital dans des intermédiaires financiers), des mécanismes de co-investissement avec des fondations ou l’intégration d’objectifs sociaux à la taxonomie européenne pour la finance durable. La Commission veut enfin lier plus étroitement l’économie sociale à la transition écologique (notamment l’économie circulaire) et numérique, favoriser le déploiement des innovations sociales et encourager le développement de l’économie sociale sur les territoires (zones rurales, clusters industriels). Ces intentions pourront compter sur le soutien traditionnel du Parlement européen et du Comité économique et social européen. Mais pour se concrétiser, elles devront être portées par les Etats eux-mêmes. Une recommandation du Conseil est espérée en 2023, pendant la présidence espagnole de l’Union européenne. Mais une étape importante aura lieu ce jeudi lors du Conseil des ministres de l’UE en charge de l’économie sociale.

Le changement de configuration politique en Allemagne est porteur. La nomination de Sven Giegold comme secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie et de la Protection du climat en Allemagne, après avoir coprésidé l’intergroupe économie sociale du Parlement européen, en atteste. Les alliances historiques entre les pays latins – en particulièrement la France, l’Espagne, le Portugal la Belgique ou encore l’Italie – sont toujours actives. Tout l’enjeu du Conseil des ministres de jeudi sera ainsi de soutenir le plan d’action et de proposer, dans ses conclusions, une définition de l’économie sociale, préalable à sa diffusion dans toute l’Europe. Si la France a été à l’origine de la prise en compte de l’économie sociale par l’Europe dès 1989 pendant la Commission Delors, il lui faut aujourd’hui redevenir cette force motrice. Elle doit pour cela parvenir à un consensus autour d’une définition de l’économie sociale comprenant les acteurs sans capital social (associations, fondations, mutuelles) ainsi que les entreprises coopératives ou sociales qui bénéficient déjà d’une reconnaissance de l’Union européenne (article 58 du Traité de Rome pour les premières et règlement sur le changement social et l’innovation sociale pour les secondes).

Plus généralement, les Etats seront appelés à afficher leur soutien au plan d’action pour que sa mise en œuvre soit à la hauteur des attentes qu’il suscite. La France a longtemps défendu l’idée d’une autre Europe, une Europe sociale. Le plan d’action européen sur l’économie sociale lui offre une opportunité qu’elle a rarement eue. Espérons qu’aujourd’hui elle ne la laisse pas passer. 

Timothée Duverger, Maître de conférences associé à Sciences Po Bordeaux – (source Alternatives Economiques)

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