COP28 : contexte et résultats

Débat Mardi 16 Janvier 2024 18h20h

La COP28 : contexte et résultats

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I. Le contexte.

I.1. Evolution du système terre.

D’après Ch. Bonneuil et J-B. Fressoz, L’évènement anthropocène, Seuil 2013

 I.2. Les émissions mondiales croissantes de CO2.

a) Croissance de la teneur de l’atmosphère en GES (stock).

1750-2019. Teneur en CO2 : +49%., méthane +160%, protoxyde azote + 23%

Teneur en CO2 : 280 ppm (particules par million, millilitres CO2/mètre3 d’air) avant le début de l’industrialisation, 310 ppm en 1950, 358 ppm en 1988, 400 ppm en 2015, 413 ppm en 2020, 417 ppm en 2022.

b) Croissance des émissions annuelles mondiales de GES (flux).

Emission CO2 : 1970-2023 (milliards de tonnes CO2)

1970 1980 1990 2000 2010 2015 2020 2021 2022 2023
19,9 23,7 27,7 30,6 38 40,4 38,5 40,3 40,7 40,9

 c) Motif : une décarbonation du PIB inférieure à la croissance du PIB.

– Emissions CO2 = PIB x intensité carbonique PIB, soit : E = PIB x ICPIB

2000-2020, la croissance des émissions CO2 (+37,9%) résulte d’une baisse de l’intensité carbone du PIB (-27,5%) inférieure à la croissance du PIB (+89,7%).

– ICPIB = IE (intensité énergétique PIB) x IC (intensité carbonique de l’énergie)

La baisse de l’ICPIB ne vient que de la baisse d’intensité énergétique du PIB (-25,4%) car l’intensité carbonique de l’énergie résiste (-2,2%) du fait de lenteur de la substitution des énergies nouvelles aux énergies fossiles.

I.3.  Les responsabilités inégales dans les émissions de CO2.

a) Emissions annuelles par tête (2019).

CO2/tête : Monde (6,5t) : 1% riches 110t, 10% riches 31t, 50% pauvres 1,6 t.

Empreinte carbone/tête : Etats-Unis 21,1t, France 8,7t, Chine 8,0t, Inde 2,2t.

b) Emissions cumulées par niveau de revenu (1990-2015).

c) Emissions cumulées historiques par pays (1850-2021).

Les Etats-Unis (20% du total mondial) devancent la Chine (11%) et la Russie (7%). La responsabilité des vieux pays industriels a précédé celle de la Chine.

Emissions cumulées de CO2 1850-2021 : part des 20 premiers pays émetteurs

I.4. Des ambitions récentes inabouties.

a) La COP21 (Paris 2015).

Objectif : limiter le réchauffement « en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels » et si possible « limiter la hausse à 1,5°C » ; neutralité carbone « équilibre entre émissions et absorptions anthropiques avant la fin du siècle. Rien sur les énergies fossiles ; projets nationaux incohérents avec l’objectif.

b) Des réalisations insuffisantes.

– Pays du Nord : inflexion sans chute. UE : années 80 ; Etats-Unis : années 2010. Motifs du retard : soutien aux énergies fossiles, défense du mode de vie.

– Pays du Sud (Chine, Inde, autres) : pas d’inflexion. Motifs de l’inertie : croissance économique et dépendance aux énergies fossiles.

 II. La COP28.

II.1. Un énorme défi à relever.

a) Le retournement drastique à accomplir.

Le retard dans les réalisations à la suite de la COP 21 de 2015 impliquait de décider un énorme retournement immédiat des politiques nationales pour atteindre rapidement la limitation du réchauffement à 1,5°C ou 2°C.

b) Des nouveaux plans nationaux insuffisants.

Les plans nationaux d’avant la COP28 en 2023 impliquaient globalement 2 fois plus de combustibles fossiles en 2030 que nécessaire pour lutter contre le réchauffement climatique, une baisse des émissions de CO2 entre 2019 et 2030 très en-dessous des 43% de baisse nécessaires dans ce but et un réchauffement climatique compris entre +2,1°C et +2,8°C à la fin du siècle (rapports climat ONU, novembre 2023). Leurs engagements à la COP 28 ne couvrent que 30% de l’écart à la trajectoire de +1,5°C (AIE, 10 décembre 2023).

II.2. L’engagement final vers la décarbonation.

Le texte final adopté par consensus reprend l’objectif de +1,5°c°. C’est un programme de décarbonation de l’économie mondiale.

a) Mise en cause des énergies fossiles.

– Rappel : un désaccord initial et des pressions multiples.

. 3 options en présence au début de la COP : « sortie juste et coordonnée des énergies fossiles » (UE, Etats insulaires) ; des efforts pour les réduire (Etats-Unis, Canada, Russie) ; pas de mention de sortie (Pays pétroliers, Chine, Inde).

. De fortes pressions des pays pétroliers (dont la lettre de l’OPEP) et de très nombreux lobbyistes des énergies fossiles présents à Dubaï.

– Le texte final : « une transition hors des énergies fossiles »

. Une « transition hors des énergies fossiles dans les systèmes énergétiques, d’une manière juste, équilibrée et équitable, en accélérant l’action climatique dans cette décennie critique, de manière à atteindre la neutralité d’ici 2050 ».

. Engager la fermeture de centrales et chaudières industrielles à charbon non équipées de systèmes de capture et stockage de gaz carbonique.

. Supprimer les subventions aux énergies fossiles qui sont inefficaces.

b) Voies complémentaires.

Reprise des objectifs proposés par l’AIE (Agence Internationale Energie).

. Triplement de la production énergies renouvelables d’ici 2030.

Proposition déjà soutenue par 123 pays (UE, Etats-Unis, Emirats Arabes Unis).

. Doublement du rythme d’essor de l’efficacité énergétique de 2% à 4% par an.

. Liste de technologies pour décarboner le secteur électrique : renouvelables, nucléaire, capture et stockage du carbone, hydrogène bas carbone.

. Accélération de la baisse des GES autres que le dioxyde de carbone, essentiellement le méthane.

II.3. Les faibles engagements financiers.

Les pays émetteurs historiques de GES rechignent à mettre suffisamment d’argent en matière de justice climatique.

a) Le Fonds pour les « pertes et dommages » : dérisoire.

Ce mécanisme de solidarité des pays historiquement les plus émetteurs envers les pays les plus touchés par les dérèglements climatiques, acté à la COP 27 en 2022, a été concrétisé le premier jour de la COP28.  Les premiers ont promis environ 800 millions $. Il faudrait 1000 fois plus pour répondre aux besoins réels liés aux pertes er dommages.

b) Le Fonds « adaptation » : échec.

L’objectif mondial d’adaptation au changement climatique (canicules, pluies diluviennes) est dépourvu d’indicateurs. Les engagements sont faibles ; on en reste à la promesse de doubler le fonds d’adaptation d’ici 2025 de 20 à 40M$ par an. C’est très en-dessous des besoins (entre 215M$ et 387M$ selon l’Adaptation Gap Report de l’ONU).

c) Un chantier pour de nouvelles taxes.

Un groupe de travail (5 pays dont France, Espagne, UE, Union Africaine) est créé pour concevoir des taxes basées sur le principe pollueur-payeur (firmes fossiles, transport maritime etc.)

II.4. Un accord important par l’objectif et insuffisant par les moyens.

a) Un accord important par l’objectif de décarbonation.

La COP28 ouvre la voie à un monde sans combustibles. Elle cible les énergies fossiles pour la première fois après les dérobades des COP précédentes. Elle préconise l’accélération des énergies nouvelles et de l’efficacité énergétique.

b) Un accord préservant l’ordre économique par les moyens retenus.

Il privilégie les nouvelles technologies (ex. techniques décarbonées, techniques de capture de carbone non éprouvées et peu sûres) et les ajustements par les marchés, et tend à minimiser le rôle de la sobriété. Cela vise à préserver le mode de vie des consommateurs dans les pays développés, surtout des catégories les plus aisées, dans un but favorable à l’accumulation du capital.

b) Un accord insuffisant envers l’urgence climatique par les moyens retenus.

– Des échappatoires pour les énergies fossiles :  pas de calendrier de sortie précis et contraignant, autorisation des « carburants de transition », fin des seules « subventions inefficaces », l’évocation des « circonstances nationales », du gaz fossile comme énergie de transition.

– Des engagements financiers dérisoires des pays du Nord, d’où un manque de financement des pays du Sud qui va y retarder la transition.

– La réalisation dépendra en définitive de la bonne volonté des Etats.

Michel Cabannes, Economiste (ex Enseignant Université de Bordeaux)

 


 

En attente nouvelle date Débat/Dédicace « Démocratie ! Manifeste

Christophe Pébarthe Barbara Stiegler 

« DEBAT du 05/12/2023 ANNULE ET REPORTE A UNE DATE ULTERIEURE »
DEBAT/DEDICACE
« NOUVELLE DATE EN ATTENTE » 

 

 

Soirée ouverte à toutes et à tous « Les inscriptions sont closes »

 

 

« Démocratie ! Manifeste  aux éditions Le Bord de l’Eau (septembre 2023)

La philosophe Barbara Stiegler et l’historien Christophe Pébarthe cherchent ensemble à élaborer une histoire et une philosophie démocratiques de la démocratie. Pour ce faire, ils reviennent à la racine de ce régime et en rappelle la singularité, pour ensuite dégager les problèmes contemporains de la démocratie.

Depuis 2500 ans et sa création à Athènes, la démocratie a longtemps été ressentie comme un scandale. Le peuple pouvait-il donc se gouverner ? Sans faire confiance aux jugements de certains de ses membres, mieux éduqués, disposant du temps nécessaire pour réfléchir aux problèmes de la société ? À peine était-elle créée que ces critiques, et bien d’autres, lui étaient opposées. Au mieux, elle était envisagée comme un idéal que les réalités sociales rendaient impossibles. Le peuple étant majoritairement composé de pauvres, ces derniers gouvernaient de fait la cité selon leur intérêt, et non celui de tous. En s’instituant deuxième philosophe après Socrate, l’Athénien Platon mit en forme cette opposition qui gouverne encore aujourd’hui le plus souvent la philosophie.

Si la peur de voir des ignorants exercer le pouvoir a perduré, force est de constater que la perspective d’un gouvernement du peuple a été abandonnée ou, au mieux, confondue avec une dérive qualifiée de « populiste ». Au nom de la complexité des enjeux, une minorité d’experts autoproclamés, légitimés par des élections, dirige ce qu’ils nomment des démocraties représentatives. À chaque contestation sociale toutefois, ils n’hésitent à se draper dans l’intérêt général pour défendre des mesures majoritairement rejetées. Ils dessinent ainsi un gouvernement contre le peuple au nom de son intérêt supérieur. C’est donc bien, encore et toujours, l’égale capacité à produire un jugement sur la société qui est contestée.

Au nom de leur engagement et de leur discipline respective, Barbara Stiegler et Christophe Pébarthe discutent de ce qui demeure le problème des élites dirigeantes, le cœur vivant de la démocratie : le peuple.

Invités :
  • Barbara Stiegler, professeure de philosophie à l’Université Bordeaux Montaigne et auteure de nombreux ouvrages
  • Christophe Pébarthe, maitre de conférences en histoire grecque à l’Université Bordeaux Montaigne
Lieu : BSE bibliothèque Bordeaux Science Economique Université de Bordeaux avenue Léon Duguit – Bât. H (proche Sciences Po) 33600 Pessac Tram B Arrêt Montaigne/Montesquieu S’y rendre le Plan ICI
Association Le Café Economique de Pessac
 Email : contactcafeco@gmail.com

 

 

Chronique – Les enjeux de l’économie sociale et solidaire – Michel Cabannes Octobre 2023

Les enjeux de l’économie sociale et solidaire Chronique de Michel Cabannes Octobre 2023

 

L’économie sociale et solidaire repose sur la primauté des personnes et des objectifs sociaux sur le capital, la coopération volontaire et la solidarité, la gouvernance démocratique et le réinvestissement des bénéfices dans l’activité. Elle englobe les coopératives, les mutuelles, les associations, les fondations, les entreprises sociales, les groupes d’entraide…

L’ESS est un secteur résilient qui est un vecteur de transformation sociale et un instrument de réparation sociale et qui doit faire face au défi de la banalisation.

Un secteur résilient.

L’économie sociale a émergé au XIXème siècle : les premières formes d’organisation ouvrière et populaire sont nées sous l’empire de la nécessité. Depuis lors, elle a résisté malgré la domination du capitalisme et s’est étendue en fonction des nouveaux besoins. L’économie sociale a été élargie récemment à l’économie solidaire fondée sur la réciprocité, ainsi qu’à l’entreprenariat social.

En France, l’ESS, régie par la loi Hamon (2014) représente 6% du PIB, emploie 2,4 millions de salariés (10,5% du total) et 13 millions de bénévoles. Cela inclut les associations (77,7% des emplois), les coopératives (12,9%), les mutuelles (5,8%), les fondations (3,6%) et 329 sociétés commerciales. Elle concerne le secteur social (40,9% de l’emploi), l’enseignement et les activités économiques et financières. Dans l’UE, l’ESS emploie 6,3% de la population active.

Un vecteur de transformation sociale.

La pérennité de l’ESS est la preuve qu’on peut gérer des activités sur un mode non capitaliste privilégiant la coopération. « L’apport essentiel de l’ESS c’est de montrer qu’il est possible de mener des activités économiques de manière durable et pérenne sans recherche du profit comme moteur » (B. Coriat). Ces organisations peuvent être performantes et créer des emplois. L’ESS concentre les espoirs d’un changement social face aux effets destructeurs du capitalisme et aux échecs du modèle étatique ; elle correspond à l’aspiration à l’auto-organisation qui resurgit périodiquement. Elle fait la synthèse entre le principe d’initiative et le principe de solidarité, permettant des innovations sociales. Les SCOP montrent que lorsque les travailleurs participent à la décision, les conflits sont moindres et les conditions de travail meilleures.

Un instrument de réparation sociale.

L’ESS sert souvent à compenser les défaillances du marché. « Dans la société actuelle, l’ESS me semble surtout un sparadrap, une béquille face aux défaillances du marché » (S. Latouche). Les initiatives créatrices de l’ESS incitent le secteur privé lucratif à se lancer dans les créneaux rémunérateurs et à transformer ces activités en sources de revenu actionnarial (ex. ORPEA).

L’ESS sert aussi de substitut à la défaillance de l’Etat social, notamment dans les services à la personne. L’Etat sous-traite à l’ESS qui doit faire mieux que l’Etat avec moins. Subventionner ces services lui coûte moins cher que de les produire lui-même. Ce sont les salariés, surtout les femmes, qui en font les frais.

Le défi de la banalisation.

Il existe un risque d’effacement des spécificités de l’ESS sous la pression du marché ou de l’action publique. La création d’un marché unique de l’assurance par les directives européennes affecte les mutuelles (fin du monopole mutualiste sur la complémentarité santé) : elles continuent d’innover mais on observe un processus de convergence avec les sociétés d’assurance. Dans le domaine bancaire, le marché favorise la standardisation des produits, les stratégies de croissance et la concentration du secteur. La gestion des banques coopératives se rapproche souvent du privé sous la pression de la concurrence, ce qui a suscité des critiques lors de la crise de 2008. Le secteur social et médico-social n’est pas épargné par le new public management. Les injonctions publiques et la professionnalisation favorisent l’homogénéisation des entités d’un secteur.

L’ESS doit impérativement relever le défi de la banalisation liée surtout à la pression du capitalisme néolibéral. Le pari n’est pas gagné mais le jeu en vaut la chandelle car c’est la condition pour qu’elle assure pleinement sa fonction de transformation sociale pour préparer l’avenir.

Rendez-vous : Anniversaire « les 20 ans » du Café économique de Pessac le 17 octobre 18h, Bordeaux Science Eco (Campus Pessac). « Economie solidaire, économie d’avenir ? » Invités : Jean Gatel et Timothée Duverger.

Article – L’interventionnisme nécessaire au capitalisme néolibéral déclinant, par Michel Cabannes Juin 2023

Article – L’interventionnisme nécessaire au capitalisme néolibéral déclinant, par Michel Cabannes *

https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-36-ete-2023/dossier-les-pratiques-de-l-etat-neoliberal-aujourd-hui/article/l-interventionnisme-necessaire-au-capitalisme-neoliberal-declinant

Revue Les Possibles n°36 https://france.attac.org/actus-et-medias/le-flux/article/trente-sixieme-numero-des-possibles-la-revue-editee-a-l-initiative-du-conseil

Dans les années 1980-1990, les réformes structurelles ont permis l’émergence du capitalisme néolibéral, financiarisé et mondialisé, en libérant le capital des contraintes publiques et sociales. La libéralisation a été rapide pour la finance et les normes administratives, progressive pour les échanges internationaux, le marché du travail, les monopoles sectoriels et les services publics. Les mutations ont favorisé la subordination des salariés aux entreprises et des entreprises à la finance.

 

BULLETIN DE RESERVATION SOIREE ANNIVERSAIRE DU 17 OCTOBRE 2023 18h30-20h30

BULLETIN DE RESERVATION SOIREE ANNIVERSAIRE DU CAFE ECONOMIQUE DE PESSAC LE 17 OCTOBRE 2023 18h30-20h30 (à imprimer)

 

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Chronique de Jean-Luc Gibou « La crise du travail : enjeux d’aujourd’hui et défis de demain » Avril 2023

Chronique Avril 2023
« La crise du travail : enjeux d’aujourd’hui et défis de demain »
De Jean Luc Gibou [1] 

 

La crise du  Covid 19 – sanitaire, économique et sociale –  a bousculé toutes les sphères de l’existence des individus et des sociétés.

Le travail n’en a été d’autant plus affecté. Les inégalités, dans et par rapport au travail et à la vie en sont révélatrices.

La « grande démission » voit des milliers de salariés quitter un travail, qui n’a plus de sens pour eux ou bien refuser de rejoindre les « métiers en tension » (hôtellerie-restauration, divers services ) dont les salariés cherchent en vain des salaires et des conditions de travail décentes.

Une enquête récente de la DARES (Ministère du Travail)[2] montre que plus d’un tiers des salariés déclare ne pas être capable de tenir leur travail jusqu’à la retraite. Les métiers en contact avec le public et physiquement exigeants sont jugés moins soutenables.

L’exposition aux risques professionnels va de pair avec le sentiment accru d’insoutenabilité. Une santé dégradée pèse sur le sentiment des salariés de pouvoir tenir dans leur travail jusqu’à la retraite, avec des interruptions de travail longues et fréquentes.

En moyenne, les changements organisationnels sont préjudiciables à la soutenabilité du travail, sauf si les salariés participent à la décision et malgré le peu d’efficacité des dispositifs de prévention et d’amélioration prévus à cet effet.

La sociologue Dominique Méda[3] montre que la France occupe une position particulière dans les comparaisons européennes, où elle apparaît « mal placée et même en queue de peloton dans certaines catégories, notamment les contraintes dans le travail ». Elle ajoute « .. la qualité de l’emploi n’est pas un supplément d’âme pour DRH en mal d’innovations ».

Le juriste du travail Alain Supiot[4]  nous dit que « notre système économique repose sur l’idée que l’être humain serait la première des marchandises ».

C’est cette conception de la « force de travail/marchandise » qui est ouvertement contestée

Ce sont toutes les dimensions de cette « crise du travail », de ses impacts que nous tenterons d’analyser.

  « Valeur-travail » et « valeur du travail » [5] : de quoi parlons-nous ?

La fameuse « valeur-travail » a été  remise en question. Les différents métiers -soignants, caissières, enseignants, agents de nettoyage, livreurs- mal rémunérés et peu considérés, étaient en « première » ou « deuxième » ligne dans la séquence du Covid 19.

La définition du Larousse renvoie la notion de « valeur » à trois dimensions.

Tout d’abord, ce qui est posé comme vrai, beau et qui « a de la valeur » selon les critères de société du moment.

Ensuite, comme quelque chose à défendre, ou encore de ce qui produit l’effet attendu et de ce que vaut un objet à échanger ou à vendre.

Enfin, la valeur est considérée comme fondant le développement de la personne et son insertion dans la société.

S’agissant des biens matériels ou de services utiles, le travail peut être considéré comme source de valeur d’usage. Inséré dans la sphère marchande, il s’y voit reconnaître une valeur d’échange.

La crise sanitaire a mis en lumière le rôle joué par les personnels de santé et plus particulièrement les infirmières qui, dans leur cas investissent dans leur travail jusqu’à l’épuisement.

L’utilité de leur travail, reconnu par la société créé une valeur d’usage pour la collectivité. La reconnaissance salariale revendiquée (et très partiellement satisfaite par les pouvoirs publics) de cette utilité sociale est au centre de la valeur d’échange de la force de travail.

Une conception de la « valeur-travail » est entrée dans le débat social, avant et après le débat sur la réforme des retraites. Elle  lui confère un caractère quasi-métaphysique (ontologique) pour la droite ou certaines fractions du patronat.  Elle tend à justifier certaines mesures de politique publique socialement régressives du type baisse des allocations-chômage ou l’obligation de travail par différents dispositifs comme le RSA.

Il rappelle plus le « Travail-Famille-Patrie » de Vichy que la politique d’insertion sociale et professionnelle prônée par Bertrand Schwartz.

Des mutations du travail qui ne datent pas d’hier et qui sont toujours d’actualité[6]

Revenons à la Révolution Industrielle (XVIIIème et XIXème siècle) qui a créé les manufactures, la division technique et sociale du travail, mais aussi ….la bourgeoisie et le prolétariat en tant que classes sociales.

La « révolution taylorienne », plus récente au début du XXème siècle, a introduit la chaîne automatisée. L’industrie automobile a servi de laboratoire aux USA, avec le cas de Ford.

La contestation du taylorisme va générer des conflits et mobilisations sociales emblématiques dans les années post-68 en France (« les conflits d’OS ») et en Italie (« l’automne chaud ») en 1969. L’organisation capitaliste du travail est l’objet et l’enjeu de cette nouvelle conflictualité productive.

Les mutations qui traversent le travail en recomposent les frontières-entre la vie professionnelle et la vie personnelle, entre le bureau et le domicile, entre l’individuel et le collectif- pour en donner (ou non) du sens ou générer de « mauvais emplois « (bullshit jobs), parfois tout au long de la vie.

Les tendances récentes ont mis en lumière plusieurs grandes tendances

La place croissante du management et ses injonctions par la « pression du chiffre » devient la clé de voute de la gestion des « ressources humaines ». Il remplace le chronométrage et le bureau d’études.

Les plateformes numériques transforment profondément le travail et engendre une polarisation accrue entre des emplois de plus en plus précaires et d’autres plus autonomes et diversifiés.

La numérisation des activités, illustrant peu à peu un nouveau capitalisme. Il s’appuie sur un nouveau rapport au temps et à l’espace, que l’on peut inscrire dans cette ubérisation de la société

Le rapport à la nature, longtemps saccagée par un capitalisme productiviste est remis en question. Des « catastrophes naturelles «  de plus en plus fréquentes affectent l’ensemble de la planète (par exemple le « réchauffement climatique »).

Ils reformulent la nécessité   d’une intervention publique sur l’environnement au sens large par des politiques de transition écologique et/ ou énergétique.

Ainsi de nouveaux rapports au travail se nouent peu à peu qui vont au-delà des pratiques de refus (« l’allergie au travail »), des idéologies de la « fin du travail », non sans oublier la dure réalité de la « souffrance au travail » par le développement des risques psycho-sociaux.

Le salariat, assujetti au régime juridique de la subordination par le contrat de travail,  est remis en question par les nouvelles formes de travail et la précarisation et parallèlement  l’accès (ou non) à la protection sociale.

Le tryptique « travail, citoyenneté, démocratie » à l’épreuve du néo-libéralisme

Si le travail a un statut ambivalent dans le système capitaliste à la fois source d’usure, de maladie, il peut être également un vecteur d’identité sociale ou d’autonomie.

En ce sens l’ambition historique du mouvement ouvrier n’en sera pas moins d’en réduire le rôle ou la place mais de le transformer.

Cette transformation prendra deux formes : la place du travail dans les futures économies socialistes (le stakhanovisme qui n’est pas une réussite) mais aussi les luttes (ou non luttes) diverses et variées s’inscrivant dans cette perspective.

Les débats et/ou les compromis sociaux (y compris dans les négociations collectives) illustrent l’existence de nouveaux modèles d’organisation du travail  couplés à de nouveaux modèles productifs, dont le fordisme a pu accoucher.

Cela suppose que le mouvement syndical n’attend pas un changement de société pour changer le travail[7].

Il y a bien là de nouvelles pistes pour cerner le rapport entre la citoyenneté (du travailleur) et le travail « concret » et non « abstrait ».

Il appelle une nouvelle démocratie, celle de la collectivité de travail et de l’entreprise (démocratie du travail), celle au niveau de la nation, de la branche d’activité, du territoire (démocratie sociale) qui complète la démocratie politique et  redonne à la démocratie toute sa fonction de représentation des citoyens.

La démocratie sociale[8] est ancrée sur les univers sociaux et des travailleurs et travailleuses. C’est à la fois sa fonction et sa légitimité de prendre en compte les réalités concrètes de travail, leurs conditions matérielles (par exemple la pénibilité), pour les différentes catégories de salariés.

On est bien loin de la conception qui consisterait à penser l’âge de la retraite selon des butoirs financiers et comptables.

Elle a été mise à mal au cours du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, plus particulièrement par les ordonnances  Macron-Pénicaut de septembre 2017)[9].

Le but avoué et paradoxal était à la fois de « cornériser » le syndicalisme dans l’entreprise,  tout en éloignant  les institutions de représentation de la vie concrète des collectifs de travail et en diminuant les droits collectifs et les moyens correspondant.

Pour mettre en perspective : donner du sens au mouvement social

La puissance du mouvement social contre la réforme des retraites s’est déployée dans un contexte politique, économique,  social et international particulièrement tendu.

La stratégie du gouvernement qui a consisté à opposer « les urnes » à la rue  dans ce conflit social s’est avéré sans issue. Comme le souligne Alain Supiot[10] elle montre que « l’action collective des salariés est constitutive d’une citoyenneté sociale (qui) est essentielle à la vie démocratique ».

Les efforts de la population confrontée aux diverses restrictions au cours de la pandémie avec ce qui s’en est suivi : inflation, hausse des prix, crise de l’énergie, guerre en Ukraine.

Une des questions majeures qui revient est bien celle d’un « renouveau syndical ».

Par son caractère unitaire, il  renforce sa légitimité  en tant qu’acteur social et sa capacité à représenter le monde du travail, à contrario d’un patronat, dont le silence est assourdissant. Attend-t-il les prochaines exonérations fiscales et sociales ou les crédits d’impôt divers et variés, qui sortiront des prochaines lois ?

L’ancrage territorial du mouvement social sous la houlette des intersyndicales départementales et/ou locales rassemblent dans les manifestations,  depuis le mois de janvier,  des catégories de salariés diverses. Elles ont en commun d’être particulièrement marquées par le poids du travail dans leur existence.[11]

Ces salarié(e)s  directement impacté(e)s sont celles et ceux des métiers manuels industriels, de service à la personne… Ils et elles  commencent à travailler en moyenne à l’âge de 22 ans. Les caristes et les caissières ne peuvent pas télétravailler. Les capacités d’organisation syndicales déclinent  moins vite dans la fonction publique qu’ailleurs.

Sans négliger l’ombre menaçante du FN, avec son projet xénophobe et réactionnaire,  les colères sociales peuvent converger, comme le montre le précédent   des « Gilets jaunes ».

Un nouvel espace interprofessionnel émerge pour le syndicalisme dans les territoires pour répondre à ces défis.

La mobilisation sociale doit tout d’abord gagner la bataille par le retrait du projet de retraite à 64 ans mais aussi redonner du sens à la « question du travail »[12].

Si le lien n’apparaît pas évident à première vue, les différents acteurs peuvent s’en emparer.

Une telle vision d’avenir doit ainsi donner du sens à un mouvement social, dont la « crise du travail » est la véritable toile de fond.

[1] Membre du Café économique de Pessac –   Ancien responsable régional de la CFDT-Aquitaine

[2]  DARES  Analyses n°17 mars 2023 « Quels facteurs influencent la capacité des salariés à faire le même travail jusqu’à la retraite ?

[3] « De la crise du travail en France » Dominique Méda, Le Monde 29-30 juin 2023

[4]« La révolution du travail » Le Monde hors-série 2022

[5] « Le travail, une valeur » Jacques Freyssinet IRES Document de travail n° 1/ 2022 Février     2022

[6] « Les nouveaux rapports au travail » Cahiers français n°418/ 2020 –  « Le travail dans tous ses états » L’économie politique n° 92 / Novembre 2021

[7] Bruno Trentin  « Changer le travail et la vie ou conquérir d’abors le pouvoir ? » in  la « Cité du travail », Editions Fayard

[8] Alain Supiot « Un gouvernement avisé doit se garder de mépriser la démocratie sociale » Le  Monde 16/03/2023

[9] Revue de l’IRES n°2-3/ 2022   N° spécial « Après les ordonnances Travail de 2017 : la négociation collective toujours plus proche de l’entreprise »

[10] Alain Supiot op.cit

[11] « La gauche et les sous-préfectures « Axel Bruneau, Thibault Lhonneur Fondation Jean Jaurès 08/02/2023

[12] « Redonner du sens au travail » Thomas Coutrot, Coralie Pérez La République des idées –  Editions du Seuil -2022

 

 

Chronique de Michel Cabannes « La nouvelle inflation » (Mars 2023)

Chronique de Michel Cabannes (Mars 2023)

La nouvelle inflation 

L’inflation depuis 2021, moins forte que celle des années 1970, présente des spécificités. Très différenciée suivant les produits, initiée par des raretés et persistante par les profits, elle contribue à une forte régression sociale.
Une inflation différenciée.
En France, le taux d’inflation est sur un plateau de l’ordre de 6% depuis novembre dernier (indice des prix à la consommation INSEE : février 2023 : 6,3%. Il est de 9,2% dans la zone OCDE, de 8,6% dans la zone € (janvier 2023).
En France, la hausse est plus forte pour l’énergie (14,1% février 2023, tendance au reflux) et pour l’alimentation (14,8%, tendance persistante) que pour les produits manufacturés (4,7%) et les services (3,0%). Cela vaut aussi pour la zone euro. Aux Etats-Unis, l’inflation a été plus précoce qu’en Europe et résulte moins de l’énergie que de l’alimentation et des autres biens et services. 
Une inflation de raretés et de profits.
L’inflation a resurgi en raison de raretés et elle persiste en lien avec les profits.
. Le rôle des nouvelles raretés.
Des tensions sont apparues à la fin du covid entre la hausse de la demande, du fait des plans de relance et des liquidités accumulées, et les rigidités de l’offre, accrues par le covid. Les prix des hydrocarbures se sont envolés du fait des tensions de la fin du covid en 2021, puis de la guerre d’Ukraine en 2022 (baisse des importations russes). La hausse a affecté aussi des matières premières. Les prix des produits alimentaires ont grimpé du fait de mauvaises récoltes en 2021, puis de la guerre d’Ukraine, réduisant l’offre de céréales. Les prix de nombreux biens manufacturés et services ont augmenté en raison de la désorganisation des capacités de production et des chaines de valeurs (composants industriels, semi-conducteurs, vaccins, transport maritime).
. Le rôle du pouvoir de marché des firmes.
L’inflation persiste surtout en raison du pouvoir de marché des firmes qui ont la capacité d’exploiter les raretés par des hausses de prix allant au-delà des hausses de coûts. Elles ont accru leur prix de vente au-delà de la hausse des prix de l’énergie. Le pouvoir des firmes a cru en lien avec les concentrations. Aux Etats-Unis, les nombreuses fusions acquisitions ont renforcé les oligopoles.
Cela produit une dynamique de profits. La hausse des prix permet de soutenir les profits du capital dans un contexte de baisse des gains de la productivité. Aux Etats-Unis, l’inflation est alimentée surtout par la hausse des profits d’entreprises (53%), bien plus que par celle des salaires (8%). Le taux de marge bénéficiaire a remonté en 2021 dans la zone €, plus tardivement en France.
Une inflation de régression sociale.
– Les salaires à la traîne.
Nulle part les salaires ne suivent l’inflation dans les pays avancés, d’où une baisse des salaires réels. Dans la zone euro, en 2022, la hausse des salaires par tête a été inférieure à 5% alors que l’inflation a dépassé 10%, soit un écart de plus de 5 points.  L’écart a été de 3,1 pts en Allemagne (2022) et de 1,7 pt en France (salaire de base +3,7%, prix +5,4% entre le 3ème trimestre de 2021 et de 2022). Cela résulte d’un pouvoir de négociation des travailleurs affaibli par plusieurs décennies de dérèglementation du marché du travail, de mondialisation néolibérale et de dépendance accrue au crédit. En France, il n’y a même pas de hausse des salaires plus forte pour les métiers en tension (construction, hébergement-restauration, services aux entreprises…).
– Une inflation inégalitaire.
. Les plus pauvres subissent une inflation plus élevée que les plus riches. En France :  0,8 point d’écart entre les taux d’inflation des 20% plus pauvres et 20% plus riches. Motif : les postes les plus inflationnistes couvrent une part plus grande de leur budget (% alimentation : plus pauvres 40%, plus riches 18%).
. Les ménages ruraux subissent une inflation plus forte que ceux de l’agglomération parisienne (1,8 point d’écart) en raison des coûts de transport.
. Les ouvriers subissent une inflation plus forte que les cadres (en France,1 point d’écart du 1er trim. 2021 au 1er trim. 2022). 
Les politiques face à l’inflation.
– Les politiques actuelles.
D’une part, elles limitent certains effets de l’inflation par des mesures partielles (boucliers énergétiques, aides ciblées). D’autre part, elles utilisent les hausses des taux d’intérêt, ce qui ne s’attaque pas aux causes majeures de l’inflation.
– Une politique économique alternative.
Elle devrait associer des contrôles des prix et des positions dominantes, une évolution négociée des revenus préservant le pouvoir d’achat des salariés et une politique monétaire mesurée au service des objectifs écologiques et sociaux. 
Les perspectives de l’inflation.
A court terme, la Banque de France anticipe une inflation de 3,8% fin 2023.
Mais rappelons qu’un reflux de l’inflation ne signifie pas la fin de la vie chère puisque cela ne signifie pas une baisse des prix,
Au-delà, la question fait débat entre ceux qui prévoient un retour à la modération (Banque de France : 2% en 2024 et 2025) avec un reflux des raretés (énergie, alimentation) et ceux qui prévoient une inflation persistante pour divers motifs structurels (démondialisation et transition écologique notamment).

Michel Cabannes, économiste (membre de l’association Le Café Economique de Pessac)

Chronique de Michel Cabannes « L’évasion fiscale : un vrai « pognon de dingue » (février 2023) »

Chronique de Michel CABANNES (Février 2023)

L’évasion fiscale : un vrai « pognon de dingue »

Un phénomène devenu structurel. 

L’évasion fiscale est une stratégie d’évitement de l’impôt en plaçant les avoirs financiers dans des pays à fiscalité avantageuse sans s’y expatrier. Elle englobe la fraude fiscale (illégale) et l’«optimisation fiscale» (légale). Elle a prospéré avec la mondialisation financière grâce à la dérèglementation. 

– Les bénéficiaires sont des riches particuliers et les firmes multinationales. Des individus fortunés, des criminels et des personnalités dissimulent leurs avoirs par des sociétés écrans dans des paradis fiscaux avec l’aide d’intermédiaires (banques, cabinets de conseils, avocats) comme le montre la litanie des révélations publiques récentes (Offshore Leaks, Luxembourg Leaks, Panama Papers, Paradise Papers, Pandora Papers…). Les multinationales localisent leurs profits artificiellement dans les paradis fiscaux, en manipulant les prix de transferts entre filiales et négocient des conventions fiscales très avantageuses. 

– Les destinataires sont les paradis fiscaux. Ils ont un secteur financier développé, des taux d’imposition nuls ou faibles, des pratiques favorables au secret bancaire et à l’impunité judiciaire et des avantages fiscaux sans exiger de réelle activité sur place. Ils se situent dans des iles lointaines (iles Caïman, Bahamas…) souvent dépendant de grands centres financiers (City de Londres), mais aussi en Europe (Luxembourg, Pays Bas) et aux Etats Unis (Delaware).  

– La persistance de l’évasion fiscale et des paradis fiscaux résulte de plusieurs causes : le lobbying des multinationales, l’influence des riches particuliers, la complicité des grands centres financiers, le soutien des gouvernants à leurs firmes et les désaccords entre Etats pour y mettre un terme. L’évasion fiscale est devenue un facteur structurel de la rentabilité du capital.   

Une atteinte aux droits humains économiques. 

– Un appauvrissement massif des Etats. 

L’évasion fiscale représente « un pognon de dingue ». Au niveau mondial, les avoirs cachés dans les paradis fiscaux s’élèveraient à 8700 milliards $ (Gabriel Zucman). La part des profits internationaux des firmes logés dans les paradis fiscaux est passée de moins de 2% dans les années 1970 à près de 40% aujourd’hui. L’évasion fiscale des multinationales coûterait aux Etats environ 500 milliards de $ par an. Les Etats des pays en développement perdent presque 2 fois plus que les pays riches en proportion de leurs recettes. Les pays africains perdent près de 90 milliards d’€ chaque année du fait de flux financiers illicites. 

– … au détriment de la satisfaction des besoins. 

L’évasion fiscale prive les Etats de ressources cruciales pour financer les services publics nécessaires pour les besoins essentiels (éducation, santé, logement), la réduction des inégalités et la défense du climat. C’est un crime humanitaire dans les pays du Sud où les besoins sont immenses. 

– … et au détriment de la justice fiscale. 

L’évasion fiscale rend les systèmes fiscaux plus injustes. Cela implique le report de l’impôt vers ceux qui ne peuvent la pratiquer : des plus riches vers les contribuables aux revenus plus modestes et des multinationales vers les PME. Cela mine la solidarité nationale et les fondements des systèmes démocratiques.   

Le chantier de la transparence 

Au niveau des paradis fiscaux, des progrès ont concerné le secret bancaire (2010) et à l’échange automatique entre Etats d’informations sur les comptes (2014). Mais les sociétés écrans et les trusts dissimulent  l’identité des propriétaires. Il faut que l’UE crée des registres publics complets et accessibles des véritables propriétaires. 

Au niveau des multinationales, la transparence nécessite le « reporting pays par pays public » : la publication par les firmes des informations sur la répartition de leurs activités et de leurs impôts. La directive de l’UE (2021) est insuffisante : la publication se limite aux pays membres et à des paradis fiscaux d’une liste lacunaire. Il faut obliger les firmes à publier des informations sur l’ensemble de leurs activités et de leurs impôts.   

Le chantier de la fiscalité des multinationales. 

. L’accord promu par l’OCDE (2021) inclut 2 volets. Le pilier 1 prévoit la taxation des bénéfices dans les pays où les multinationales réalisent leurs ventes. Cela ne concerne qu’une part restreinte des bénéfices d’une centaine de firmes. Le pilier 2 prévoit un taux minimum d’imposition de 15% des bénéfices logés à l’étranger par les multinationales. Cela pourrait rapporter 220 milliards $ d’après l’OCDE (9% des recettes mondiales de l’impôt sur les sociétés). Mais le taux est trop bas pour prévenir toute l’évasion fiscale et il risque d’accélérer une course à la baisse des taux vers 15%. La réforme va bénéficier surtout aux pays riches qui vont récupérer la plus grande partie des recettes.

– Il est nécessaire d’aller plus loin. Il faut créer une taxation unitaire des multinationales (taxer le bénéfice global et le répartir d’après les activités) à un taux effectif suffisant de l’ordre 25%. Il faut créer un organisme fiscal à l’ONU (représentation égalitaire) et une Convention internationale sur la fiscalité.  

A terme, l’intérêt général de l’humanité nécessitera une mobilisation auprès des dirigeants politiques ayant pour objectif l’élimination des paradis fiscaux.  

 

Un film à voir au Cinéma Jean Eustache de Pessac  « La (très) grande évasion » de Yannick Kergoat le Mercredi 26 avril 2023 suivi d’un débat animé par l’Association Le Café Economique de Pessac 

« Comment la culture numérique impacte-t-elle aujourd’hui nos vies et le monde informationnel ?  Quels sont les enjeux pour l’éducation et la démocratie ? »

Débat Mardi 13 Septembre 2022 18h-20h
« Comment la culture numérique impacte-t-elle aujourd’hui nos vies et le monde informationnel ? 
Quels sont les enjeux pour l’éducation et la démocratie ? »

 

Le numérique n’est pas qu’un outil ; Il est en effet une culture car il entraine des modifications et a un réel impact sur le travail, l’économie, sur tous nos modes de vie, nos moyens de s’informer, de communiquer, de se soigner, de créer, d’innover…

D’où l’émergence d’opportunités à réfléchir et utiliser pour répondre aux enjeux nouveaux de la société transformée par le numérique.

La crise sanitaire en a révélé l’importance et a permis le développement de compétences en lien avec les usages du numérique, une harmonisation de ces usages et une proximité plus grande entre adultes, élèves et familles. Elle a aussi mis au jour la fracture numérique (décrochage, difficultés de suivi), la cyber violence et parfois le caractère perçu comme chronophage du numérique. La sobriété numérique elle aussi, interroge.

Les questions portent également sur la dématérialisation des services, sur la protection des données, sur les réseaux sociaux, avec des adultes désemparés.

La lutte contre la désinformation constitue un enjeu central pour l’équilibre de nos démocraties. Face à l’amplification des désordres informationnels, comment évaluer la qualité et la pertinence d’une information, identifier la source et sa crédibilité ? Et comment l’esprit critique vient-il aux enfants ? Le lien à l’éducation aux médias et à l’information est-il suffisant pour une situation qui dépasse le cadre de l’école et interroge le rôle des parents ? Quelle est leur implication, quelle connaissance ont-ils des pratiques numériques de leurs enfants ?

En éducation, chacun est concerné, institutions, collectivités, lieux de formation et de culture, lieux de médiation. La communauté éducative dans son ensemble requiert également un travail avec les filières industrielles, les éditeurs de ressources, mais aussi avec les parents et les élèves !

Doit-on parler de citoyenneté numérique ou de compétences de citoyens évoluant dans un environnement numérique ? Quels sont les enjeux ? 

Invités :

Michelle Laurissergues,

Présidente et Fondatrice de l’An@é*, co-fondatrice d’Educavox et responsable éditoriale

 


Anne Lehmans,

Professeure à l’Université de Bordeaux (INSPE) en sciences de l’information et de la communication


Marcel Desvergne,

Citoyen numérique mobile, vice-président de l’An@é, Responsable associatif accompagnant le développement numérique.

 

 

Lieu : BSE Bordeaux Sciences Economiques Université de Bordeaux
avenue Léon Duguit – Bâtiment H 1er étage -33608 Pessac GPS Q9XM+8F – Tram B – Arrêt Montaigne/Montesquieu  S’y rendre le plan ICI

Contact : Laurence Derache  05.56.84.86.67

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